Fifélisation

Donner les moyens aux cadres d’être de vrais entrepreneurs

Un des obstacles à la fidélisation réside dans la segmentation des tâches qui induit une spécialisation du middle management. La diversification des responsabilités et des missions permet en revanche de renforcer le sentiment d’apporter de la valeur ajoutée au groupe. L’exemple des Banques Raiffeisen le montre bien.


Le casse-tête est complet. Comment fidéliser son middle management alors que les opportunités du marché du travail sont énormes? Chez UBS, plus de 500 postes étaient ouverts à la mi-mai 2007. Cette pénurie de personnel qualifié se retrouve grosso modo chez tous les grands acteurs bancaires de Suisse. Sans mentionner les secteurs vente et horlogerie qui souffrent eux-aussi d’une forte pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Et comme la conjoncture économique est bonne, les collaborateurs talentueux n’hésitent plus à quitter leur employeur pour entrer du jour au lendemain chez la concurrence. 

Dans ce jeu des chaises musicales, les Banques Raiffeisen semblent tirer leur épingle du jeu. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au siège Suisse romande, le taux de fluctuation est de 4% et chaque collaborateur est absent en moyenne 1,2 jour par année pour cause de maladie. Des statistiques qui feraient saliver plus d’un responsable RH en Romandie. Analyse d’une stratégie RH performante. 

Complexité. La structure particulière des Banques Raiffeisen en Suisse est sans doute la première raison de cette bonne politique de fidélisation. Particularité: les 85 banques de Romandie (280 points de vente) sont indépendantes. Chaque établissement est géré par un comité de direction qui établit lui-même ses stratégies de croissance et en assume les risques. Sur le plan national, Raiffeisen Suisse – dont le siège principal est à Saint-Gall – joue plusieurs rôles. Celui d’intermédiaire avec la Commission fédérale des banques mais aussi celui d’un prestataire de services: politiques et stratégies RH, offres en formation et développement, marketing et services informatiques, dont une plate-forme centralisée de gestion des salaires depuis 2003. «Cette relation entre groupe faîtier et banques indépendantes n’est pas évidente. Les directeurs des établissements locaux craignent parfois une main-mise de Raiffeisen Suisse sur leurs affaires. Cela implique l’instauration d’une relation de confiance entre tous les partenaires. Mais cette confiance s’établit seulement sur la durée, d’où l’importance de la fidélisation des collaborateurs», explique Alain Girardin, directeur du siège Suisse romande. 

Proximité. En termes de fidélisation, cet éclatement du modèle des affaires est une des clés de la bonne performance de la banque en Romandie. Car malgré un total de bilan de 17 milliards de francs en 2007, les Banques Raiffeisen de Suisse romande évoluent sur le modèle des PME. «Cette structure de proximité offre à chacun de nos cadres une réelle diversité dans ses activités. Ils son sur le terrain, proches de leur clientèle et doivent gérer autant le recrutement que le lancement de nouveaux produits ou la qualité du service», relève Alain Girardin. Selon lui, cet esprit d’entrepreneur est la première raison du faible taux de rotation du groupe en Suisse romande: «Au contraire des grandes banques, la valeur ajoutée que chaque collaborateur peut apporter à la réussite du groupe est ressentie d’une manière plus directe. Ce sont des petites équipes où tout le monde se connaît.» Mais ce modèle est à double tranchant. Patrik Gisel, chef du département marché & distribution pour la Suisse précise: «La proximité avec la clientèle est ce qui nous différencie de la concurrence. Mais disposer d’un personnel à la fois local et au clair sur les évolutions rapides et très techniques du milieu bancaire n’est pas une mince affaire. Nous essayons de surmonter ce paradoxe par la qualité de nos offres en formation.» 

Développement. Raiffeisen cherche ainsi à promouvoir les talents et leur offrir des perspectives. Les employés se voient proposer une offre variée de possibilités de formation continue internes et externes. La richesse du catalogue de prestations en formation en témoigne. L’éventail est très large: techniques bancaires, développement personnel, formations spécifiques pour directeur ou administrateur. Et pour celui ou celle qui désire perfectionner une langue étrangère, des séjours linguistiques peuvent aussi être envisagés. «A la fin de l’année, nous évaluons individuellement chaque collaborateur. Même le concierge a des objectifs à atteindre. Il s’agit plus d’avoir des points de repères, une base pour permettre  d’ouvrir la discussion. Les évalutions personnelles sont un bon moyen pour motiver nos collaborateurs», détaille Alain Girardin. 

Mobilité. Une autre pierre angulaire de cette stratégie de fidélisation est l’offre en mobilité. Nous avons mis au point un programme de recensement et de développement des cadres. «Grâce à notre vaste réseau, les options d’avancement sont au-dessus de la moyenne. Nous pratiquons aussi des échanges entre les différentes entités Raiffeisen en Suisse», relève Alain Girardin. Philippe Thévoz, porte-parole pour le groupe en Suisse romande ajoute: «La mobilité doit être accessible à tous les niveaux hiérarchiques. Un collaborateur du back-office, qui n’a pas forcément le bagage suffisant pour un poste à haute responsabilité, doit également pouvoir trouver des opportunités au sein du groupe. La fidélisation s’adresse à tout le monde.»

Work-life-balance. Médaillée d’argent des HR-Swiss Awards 2007, l’équipe RH de Raiffeisen Suisse a notamment été récompensée pour son orientation stratégique et la gestion des performances basée sur la convention d’objectifs. Les collaborateurs bénéficient aussi d’avantages sociaux. Ainsi, les mères bénéficient d’un congé maternité de 16 semaines, voire de 24 semaines à partir de cinq ans d’ancienneté. Les pères reçoivent de leur côté un congé paternité de cinq jours. «En 2005, au siège Suisse romande, cinq femmes ont accouché le même mois», sourit Alain Girardin. Au siège de St-Gall, une crèche est ouverte de-puis 1996. «L’obtention de congés non payés fait également partie d’une politique du personnel souple et moderne. Notre responsable RH pour la Suisse romande vient d’ailleurs de prendre trois mois de congé», note Philippe Thévoz. Certains aménagements avec la caisse de retraite permettent aux collaborateurs de partir sans soucis. Cette politique de work-life-balance s’appuie sur des enquêtes de satisfaction régulièrement menées parmi les collaborateurs. 

Rémunération. Comment parler d’une politique de fidélisation sans aborder la question de la rémunération? «Ce n’est pas un facteur qui prime chez nous. Nos salaires sont loyaux et correspondent à ceux du marché», souligne Alain Girardin. Le risque de fuite des talents vers les grandes banques ne lui fait donc pas peur? «Non. Nous ne souffrons pas particulièrement de cette concurrence. Et de toute manière, ce n’est pas possible de fidéliser à 100 pour cent notre personnel.  D’ailleurs, nous avons pas mal d’exemployés qui souhaitent revenir chez nous après quelques années passées à la concurrence», conclut-il.

L'interviewé

 

 

 

Alain Girardin est directeur du Siège Suisse romande de Raiffeisen Suisse.

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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