Burnout

Et si l’on considérait le burnout comme une chance

Traité efficacement, le burnout peut être transformé pour l’individu en une opportunité de se recentrer, de mieux poser ses limites. Pour l’entreprise, c’est aussi l’occasion d’analyser son climat organisationnel. Destinée avant tout aux DRH, voici une méthode pour éviter que les forces vives de votre entreprise ne se consument.

Le titre de cet article résume à lui seul notre vision, fondée sur nos expériences de plusieurs années dans l’accompagnement d’entreprises et d’individus et sur les témoignages reçus lors d’ateliers de sensibilisation à cette thématique.

Nous observons que le burnout est vécu comme une menace. Or, traité efficacement, il peut être transformé pour l’individu en une opportunité de se recentrer, de mieux poser ses limites; pour l’entreprise qui souhaite éviter l’effet boule de neige, ce peut être l’occasion, par exemple, d’analyser son climat organisationnel, de réfléchir sur l’impact des programmes de développement des performances et des potentiels.

Nous pensons également que le facteur clé de succès repose sur la notion de responsabilisation de chacun des acteurs au cours de la mise en œuvre des trois leviers d’un programme de gestion du burnout: prévention (pour rester dans le vert), soulagement (quand les signaux virent à  l’orange) et traitement (en état d’urgence).

Il y a 30 ans, Herbert Freudenberger décrivait le burnout par «cet état de fatigue ou de désillusion émotionnelle provoqué par le dévouement à une cause, une habitude de vie ou une relation qui n’a pas engendré la récompense, le résultat espéré». Depuis, de nombreuses recherches ont été réalisées pour identifier et comprendre les processus du burnout en particulier sur le plan individuel. Il manque par contre des données fiables permettant de jauger l’impact humain et financier du burnout pour l’entreprise et la société. Il manque encore des tableaux de bord de mesure du risque. C’est pour cela que nous nous sommes engagés à développer un vaste programme transdisciplinaire qui réunit dans un premier temps des entreprises pilote intéressées à sensibiliser le management et les employés, à intégrer des outils simples de diagnostic ou de «benchmaking», à évaluer le coût du burnout et à le diminuer…

Bien que peu de données statistiques existent sur le burnout, les études faites sur le stress et les maladies psychiques sont inquiétantes: 84% des travailleurs suisses se sentent stressés selon une étude de la SECO (2000). Selon cette même étude, les coûts liés au stress s’élèvent par an à 4,2 mias, soit 1,2% du PIB.
Le pourcentage des maladies psychiatriques est passé de 6,6% en 2001 à 9,7% en 2003. En-tre 1992 et 2004 le pourcentage de personnes bénéficiant de prestations de l’AI pour des raisons psychiques est passé de 25% à 40%, soit une augmentation de 60% en un peu plus de 10 ans.

Le nombre de personnes touchées par le burnout est en constante augmentation notamment parce que la relation au travail, les valeurs au travail, la pression et l’environnement professionnel se sont modifiés ces dernières années. De plus en plus, on demande aux collaborateurs de s’engager et de prendre des responsabilités. Les qualités personnelles prennent plus d’importance que les compétences techniques surtout chez les cadres.

Parmi les facteurs en cause dans le burnout: des exigences toujours plus hautes et des moyens restreints, des rôles et tâches mal définis ou con-tradictoires, des indicateurs de rendements abstraits plus forcément en lien avec le savoir faire, l’impossibilité d’avoir son mot à dire, des clients auxquels il faut montrer une attitude serviable malgré un comportement agressif, des conflits avec des collègues ou des supérieurs, le sentiment d’être injustement traité compte tenu de l’investissement personnel, un manque de soutien, un conflit entre ses choix professionnels et sa vie privée, un manque de reconnaissance, la perte du sens du travail, la perte de contrôle et de maîtrise de son activité…

Au coeur des entreprises, on retrouve d’ailleurs souvent la croyance qui dit que le travail «doit être stressant afin que les employés soient plus productifs» et que c’est à l’individu et non à l’entreprise de gérer la problématique du stress.

Le burnout est un sujet de plus en plus traité par les médias et l’amalgame existe dans le langage courant entre stress, dépression et burnout. En témoigne un article récemment paru dont le journaliste affirmait «les hommes font un burnout, les femmes une dépression…»! Or certains travaux le prouvent, le burnout est un antécédent de la dépression (et non l’inverse) et ces deux phénomènes sont bien distants tant du point de vue de leur origine que de leur développement.

Malgré ce débat médiatique, le burnout reste encore un sujet tabou dans les entreprises et pour les individus qui en souffrent, car il est associé à la faiblesse, à l’incapacité, à la défail-lance, à l’échec. Lors de récents séminaires avec des DRH, nous nous sommes rendu compte que cette problématique reste floue et confuse et qu’il leur manque des moyens simples d’évaluer le niveau de burnout dans l’entreprise et de sensibiliser le personnel à détecter les signaux avant coureurs. Les enjeux sont pourtant importants.

Quels avantages pour l’entreprise à empoigner cette problématique? Au-delà des coûts liés à l’absentéisme, à la perte de motivation, d’efficacité, d’engagement et au risque de contagion, n’oublions pas que le burnout affecte les personnes qui s’engagent beaucoup. Il touche les passionnés, qui se fixent des buts très ambitieux et ne savent pas dire non à un surcroît de travail ou de responsabilité. Il aboutit souvent à un départ de l’entreprise. Comment donc agir en tant que DRH ou manager pour garder les gens les plus productifs à long terme, apprendre aux individus à gérer l’équilibre entre l’engagement individuel et la reconnaissance, continuer à investir dans le développement des collaborateurs sans risque de les voir quitter l’entreprise?

Les interventions en entreprise doivent tenir compte des 3 dimensions du burnout (l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation ou le cynisme et le sentiment de perte d’accomplissement personnel). Il est tout d’abord fondamental d’établir un diagnostic rigoureux des facteurs «stresseurs» et de mesurer le niveau initial avec des questionnaires, des interviews, la définition, l’observation et la corrélation avec des indicateurs clés (absentéisme, turnover, maladie ...).

Il convient ensuite en fonction des objectifs visés de définir le ou les niveaux d’intervention qui sont au nombre de 3:

  • Avec la prévention (niveau primaire), on cherche à prévenir le burnout en diminuant ses sources (complexe mais plus pérenne).
  • Avec le soulagement (niveau secondaire) c’est sur la gestion des tensions que l’on agit (apprendre aux individus à « faire avec »).
  • Le traitement (niveau tertiaire) vise à prendre en charge l’individu souffrant de burnout (le plus tôt possible grâce à un bon outil de diagnostic par exemple).

Après les interventions, il est important d’en mesurer les impacts au bout de 6, 12 ou 18 mois par exemple, de façon à valider ou affiner les solutions mises en œuvre et à en évaluer le retour sur investissement.

Dans le cadre de notre projet transdisciplinaire (approche managériale et psychologique) et parmi les variables que nous pensons mettre en corrélation avec le burnout, nous pouvons citer le taux d’absentéisme, le «turnover», le nombre de jours de vacances, le style de leadership, la relation avec le supérieur, les processus de reconnaissance… Notre principe est d’aider les DRH à identifier les critères les plus pertinents pour leur entreprise et à cibler les actions les plus porteuses.

Nous sommes notamment à la recherche de 10 entreprises pilotes souhaitant introduire un programme d’intervention et en mesurer l’impact, ou comparer l’efficacité de certaines solutions déjà mises en place et partager leurs expériences. Nous sommes également en contact avec plusieurs instituts universitaires susceptibles de nous apporter leur soutien scientifique. Passer de la question pourquoi les individus souffrent-ils au travail à la question comment les personnes peuvent-elles retrouver le plaisir au travail, c’est la vision que nous vous proposons de partager.

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Frédérique Deschamps est associée de Deschamps/Koch et co-créatrice de www.burnout-une-chance.ch. Elle est spécialisée dans l'accompagnement au changement de l'entreprise, de ses dirigeants et dans le burnout. 

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