Le burnout concerne 20 pour cent de la population active
Epuisement émotionnel, déshumanisation progressive de la relation avec l’autre et un sentiment d’échec professionnel. Le burnout est tout ça à la fois. La difficulté est de déceler à temps ces symptômes qui peuvent mettre parfois des mois, voire des années à se déclarer. Définition et tour d’horizon du burnout.
On estime que 20% de la population active serait touchée par l’épuisement professionnel, mais il semble en fait que personne ne soit vraiment tout à fait à l’abri de ce syndrome au cours de sa vie.
Tous concernés? Certaines professions sont plus exposées au risque de burnout en raison de fortes sollicitations émotionnelles et affectives dans leur activité (par exemple, le milieu médical, l’enseignement, le milieu social, etc.). La prévalence de l’épuisement professionnel serait de l’ordre de 20 à 40% chez les infirmières d’hopitaux généraux, allant même jusqu’à 40% chez les infirmières en réanimation pédiatrique. Chez les médecins de premiers secours en Suisse, 20% montrent des indices de burnout et 35% admettent avoir du mal à chercher de l’aide.
Comment en arrive-t-on au burnout? L’épuisement professionnel (tant physique que psychique) s’installe graduellement par paliers successifs.
- La première étape est celle de l’idéalisme où la personne a un haut niveau d’énergie, où elle est remplie d’ambition, d’idéaux et d’objectifs élevés. Même si son travail est très exigeant et que les conditions dans lesquelles elle l’effectue ne sont pas toujours favorables, elle y investit tout son temps et son énergie.
- La seconde étape, celle du plafonnement ou plateau, correspond au moment où la personne se rend compte que malgré ses efforts constants, les résultats atteints ne sont pas à la hauteur de ses attentes. En réponse à ce constat, la personne redouble d’ardeur.
- L’étape suivante est celle de la désillusion. C’est une période de frustration et de déception: les attentes sont toujours plus élevées, la reconnaissance du travail fourni tarde à venir et la personne a l’impression qu’elle ne pourra pas y arriver. Les premiers symptômes apparaissent.
- Puis survient la démoralisation. La personne est «vidée», «au bout du rouleau» et perd tout intérêt pour son travail et son entourage. Elle a brûlé toutes ses réserves; elle ressent un fort sentiment de découragement et ne se sent plus capable de travailler. C’est le burnout.
Même si le burnout semble souvent survenir brutalement, il est en fait le résultat d’un processus lent et progressif au cours de longs mois, voire de plusieurs années.
Quelles sont les causes? Le burnout apparaît comme un syndrome multifactoriel dans lequel les facteurs professionnels tiennent une place importante. Certains auteurs estiment qu’ils expliqueraient 60% des causes d’épuisement professionnel contre 40% pour les facteurs individuels.
L’augmentation du stress en lien avec des exigences professionnelles de plus en plus poussées, une pression sur les rythmes de travail, des incertitudes quant à l’avenir professionnel, constituent un terrain favorable au développement du burnout. Les conflits entre personnes, le manque de soutien, l’ambiguïté des rôles, la charge de travail et les difficultés de communication sont des éléments fréquemment retrouvés.
Il n’y a pas de profil type de prédisposition au burnout, mais des facteurs individuels comme une forte tendance à l’anxiété, une conscience professionnelle poussée, le perfectionnisme, le désir de plaire ou l’incapacité à déléguer peuvent, surtout lorsqu’elles sont conjuguées aux éléments organisationnels précédemment mentionnés, favoriser l’installation d’un burnout. Les personnes vont s’épuiser progressivement mentalement et physiquement en essayant d’atteindre des objectifs irréalisables ou d’accomplir des tâches insurmontables. Le burnout peut aussi survenir quand les valeurs éthiques personnelles de ce qu’on juge comme étant «du bon travail» ne peuvent pas ou plus être atteintes (cf. Exemple 1).
Exemple 1 (extrait)
Marie est infirmière dans un service de soins palliatifs. Pour elle, il est important de pouvoir accompagner les patients dans leurs derniers instants, de passer du temps avec les familles en détresse. Mais elle n’a plus le temps de le faire. Les cas deviennent de plus en plus lourds et les ressources ont tendance à diminuer. En appliquant les plans de soins prescrits, elle s’attire la colère des malades qui en demandent plus. Elle se sent coincée entre les volontés d’économie de la direction et les récriminations des usagers. Elle a l’impression de faire du mauvais travail.
Source: M. Vézina, M. Cousineau, M.-C. Laurendeau, D. Mergler, A. Vinet. Pour donner du sens au travail, bilan et orientations du Québec en santé mentale au travail. 1992, Gaëtan Morin éditeur, 179 p.
Quels sont les symptômes? De la fatigue à l’indifférence. Les manifestations cliniques sont très variées avec des signes physiques, psychiques et comportementaux.
On retrouve généralement des symptômes assez peu spécifiques comme de la fatigue, des maux de tête, des troubles de la digestion, des tensions musculaires, des douleurs du dos, une perte de l’appétit, des perturbations du sommeil, des troubles de la concentration. Ils sont associés à une certaine irritabilité, une labilité émotionnelle se traduisant par des accès de colère ou des crises de larmes, puis l’installation progressive de méfiance, de pessimisme et d’un sentiment d’impuissance. A la perte d’énergie initiale fait suite un état d’indifférence (avec isolement, évitement des relations) et de cynisme. Certaines personnes vont avoir recours à la consommation d’alcool ou de certains médicaments pour «tenir le coup» et obtenir une sensation de détente qu’elles arrivent de moins en moins à ressentir. Les sentiments qui accompagnent un épuisement professionnel sont souvent douloureux, témoignant d’un état de souffrance personnelle important.
Ce tableau n’a rien de vraiment très spécifique en soi et peut aussi ressembler à certains états de stress ou une dépression débutante, entités qu’il ne faut négliger.
Le burnout a aussi des répercussions sur l’entreprise: il se traduit par une diminution des performances des collaborateurs concernés, une augmentation de l’absentéisme, un turn-over important du personnel (parfois on observe des demandes de mutations en masse provoquant de véritables hémorragies dans certains services).
Déceler des signes avant-coureurs. Comment faire la différence entre de la fatigue momentanée et un burnout? Plusieurs signes peuvent alerter, surtout lorsqu’ils sont présents depuis un certain temps. Par exemple (Exemple 2):
• Vous vous fatiguez plus facilement et avez souvent des difficultés pour vous lever le matin.
• Vous travaillez de plus en plus alors que votre rendement diminue constamment.
• Vous avez l’impression que vos efforts sont rarement remarqués.
• Vous avez une attitude plus désabusée.
• Vous oubliez de plus en plus vos rendez-vous.
• Vous êtes plus irritable et votre entourage vous en fait la remarque.
• Vous voyez de moins en moins votre famille et vos amis.
Exemple 2 (extrait)
Micheline est très sensible à la détresse des personnes auprès desquelles elle travaille. Elle per-çoit avec acuité l’importance de leurs besoins et de leur souffrance. C’est ce qui l’amène à s’oublier facilement pour les aider. Elle est comme obligée de s’occuper de ses clients, quelle que soit sa fatigue. Autrement dit, elle ignore les indices que son corps lui fournit pour lui indiquer qu’elle abuse de ses forces, elle ferme les yeux sur les émotions qui cherchent à lui signaler qu’elle n’en peut plus. Elle serre les dents et continue, emportée par l’importance de sa mission. Mais plus elle passe par-dessus sa fatigue, plus elle s’épuise, plus elle perd de son efficacité et plus les tâches qui sollicitent son attention deviennent pressantes. Elle est de plus en plus pressée, submergée, incapable d’arrêter le tourbillon dans lequel elle se débat en vain. Micheline se fait une fierté d’être si généreuse. Elle se considère comme très utile et ne se soucie pas de maintenir un équilibre entre le temps qu’elle consacre à ses propres besoins et celui où elle se met au service des autres. On remarque d’ailleurs facilement qu’elle fait la même chose avec sa famille et ses amis. Sa vie est au service des autres et elle nevoit pas l’importance de la réciprocité dans ses relations. Même si elle a parfois l’impression de se faire drainer par les demandes de tout le monde, elle continue de trouver qu’il est normal d’être celle qui donne toujours.
Source: Pleins feux sur le burnout. Document d’information sur le burnout, ses manifestations et sur les moyens de réagir. Fédération des infirmières et infirmiers du Québec. 1992, 24 p.
Comment sortir du burnout? Demander de l’aide et en recevoir. Le problème est souvent reconnu et pris en charge un peu tardivement, d’une part parce que les symptômes initiaux sont peu spécifiques, et d’autre part parce que les personnes en burnout sont peu conscientes de leur état (difficultés pour admettre et parler de leur situation) et n’appellent pas à l’aide (peur de l’indiscrétion, du jugement des autres).
Dans une situation de burnout, il est néanmoins indispensable de se faire aider: par son entourage (famille, amis, collègues, etc.) mais aussi par un professionnel de la relation d’aide (médecin, psychologue, psychiatre) qui pourra reconnaître cette souffrance et accompagner pour en sortir. La guérison passe aussi par un retour sur soi afin d’évaluer ses aspirations professionnelles profondes et ses limites, pour se fixer des objectifs plus réalistes. Il faut également renouer la relation avec l’autre (réapprendre le travail d’équipe, les relations professionnelles), réorganiser un équilibre entre vie professionnelle et aspirations personnelles, et retrouver le plaisir de travailler sans se consumer à petit feu.
Quels sont les moyens de prévention? En raison de la multiplicité des causes, les orientations et moyens d’action possibles pour une approche préventive devraient comporter plusieurs volets complémentaires. Une meilleure connaissance du phénomène de burnout et les expériences acquises au cours des dix dernières années montrent qu’une approche centrée uniquement sur les personnes en souffrance est insuffisante. Il faut désormais envisager le contexte global sous l’angle de l’organisation et des conditions de travail dans lesquelles s’est développé le burnout. Cette approche permet d’identifier les dysfonctionnements et d’agir sur les causes pour éviter les récidives.
La sensibilisation et la formation de l’encadrement à la problématique du burnout, ses conséquences et ses moyens de prévention est très importante dans ce type de démarche.