Le licenciement

"Il faut savoir être patient"

Cadre supérieur dans une multinationale depuis plus de vingt ans, Pascal* a été licencié fin 2009 à la suite de la crise financière. Dans ce long témoignage, il raconte les derniers mois avant la résiliation de son contrat de travail et comment il a réussi à rebondir. 

C’était juste avant la crise. Un grand groupe international, actif dans le secteur de l’énergie, rachète la société qui emploie Pascal* pour un chiffre non communiqué représentant plusieurs milliards de dollars. La crise économique change la donne six mois après. La société acquise ne vaut plus qu’un quart de sa valeur d’achat. 

«La situation était donc difficile pour tout le monde. L’acheteur s’est retrouvé avec une société dont la valeur avait dégringolé. Pour nous, les cadres supérieurs, l’horizon n’était pas rose non plus. On savait que notre avenir ne tenait qu’à un fil.» 

Pour limiter les dégâts, la multinationale segmente progressivement les activités pour les revendre une à une. Pascal, responsable du développement commercial au niveau mondial, participe à cette lente mise à mort de son ancien employeur. «Comme ma fonction était transversale à toute l’entreprise, entre la R&D, la production et le développement commercial, je savais bien que mes jours étaient comptés. On m’a demandé de donner régulièrement des chiffres et d’élaborer des structures organisationnelles selon les besoins des acquéreurs potentiels. J’ai vite compris qu’il n’y avait plus de place pour moi là-dedans. Et de toute façon, les changements organisationnels ne correspondaient plus à ma manière de conduire le business. Mon supérieur direct a été le premier à partir, puis deux autres cadres supérieurs.» 

«On a toujours le mauvais réflexe de s’estimer indispensable.» 

Pascal reste donc seul en place. «Après 20 ans de boîte, j’avais vécu plusieurs situations de crise. J’ai pensé que ce n’était qu’un moment difficile à passer. Et on a toujours le mauvais réflexe de s’estimer indispensable. C’est certainement le désavantage d’être resté si longtemps chez le même employeur. D’un autre côté, cette période de restructuration m’a appris beaucoup de choses. J’ai pu réfléchir à différents modèles organisationnels et j’ai eu plusieurs échanges enrichissants avec les consultants externes. 

Cela a duré 12 mois. Mais les trois derniers mois, j’en ai eu marre. Au niveau personnel, j’ai eu la chance d’avoir une famille et un entourage stable. C’est important de pouvoir discuter et d’échanger dans ces moments difficiles.» Pascal négocie ensuite sa convention de sortie: une année de salaire plus un bonus. Et se retrouve donc sans emploi. 

«Mon premier sentiment a été un grand soulagement. J’ai continué à vivre une vie normale, en pratiquant beaucoup de sport. C’est ma conviction et ma personnalité. Je suis quelqu’un d’optimiste.» Pascal démarre ensuite un coaching, une prestation incluse dans son arrangement de fin de contrat. Il rend visite à son coach toutes les trois semaines, réalise un état des lieux, avec bilan de compétences. 

«Ces échanges ont été précieux. Nous avons travaillé sur des aspects techniques de mon CV, sur mes envies professionnelles et j’ai pu profiter de son réseau.» S’en suit une demi-douzaine d’entretiens avec des chasseurs de tête. «L’économie tournait à bas régime. C’était rassurant de savoir que je n’étais pas le seul dans cette situation.» 

Arrivent les premiers entretiens d’embauche. «Ces contacts n’ont pas débouché sur du concret. Les offres n’étaient pas en phase avec mes compétences. Une autre fois, on m’a proposé de reprendre une PME. La société était au bord de la faillite. J’ai consulté un membre de ma famille, juriste dans une fiduciaire. J’ai finalement refusé cette option.» Les mois passent, arrive le job idéal. Un poste dans une grande société industrielle, avec des responsabilités de vente et un rôle d’intégrateur avec la technique et la R&D. 

Un profil très proche de son ancien cahier des charges. «Après plusieurs mois d’inactivité, je souhaitais que la procédure avance rapidement. Mais il a fallu attendre trois semaines jusqu’au premier entretien, puis encore trois semaines jusqu’au second. La société m’appelait régulièrement pour me rassurer. Mais cette incertitude a été difficile à vivre.» 

Durant cette période d’attente, Pascal reçoit une deuxième proposition. «C’est là que j’ai compris que ce n’est pas facile de courir deux lièvres à la fois. Il faut réussir à être convaincant même si vous êtes dans l’incertitude. Cela m’a quelque peu déstabilisé. L’accompagnement du coach a été précieux. Quand vous allez à un entretien d’embauche important, le but n’est pas d’être demandeur mais de rassurer. Si vous n’êtes pas clair dans votre message, cela se ressent.» 

«Inutile de se griller les premiers mois en étant trop proactif.» 

Finalement, la première piste se concrétise fin mai 2010. «Le nouveau job était très intéressant, avec une équipe qui attache beaucoup d’importance au relationnel. Mais attention, quand vous démarrez une nouvelle expérience professionnelle, il faut savoir être patient et ne pas espérer retrouver votre niveau de compétences d’avant. Connaître le fonctionnement d’une entreprise, ses gens et ses réseaux prend plusieurs années. Inutile de se griller les premiers mois en étant trop proactif. La première année vous sert à créer un réseau. Le chiffre d’affaires suivra.» 

* Prénom d’emprunt

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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