Le licenciement

Licenciement à l’Etat de Genève

Depuis 2007, la compétence de résiliation des contrats de travail a été transférée à l’encadrement. Qui a dû instaurer une nouvelle culture du dialogue. Tout l’enjeu est d’éviter d’entrer dans une logique de confrontation. Un chemin long et coûteux dont l’administration sort toujours gagnante. 

Licencier dans le service public genevois n’est plus un chemin de croix. Le contexte légal est certes différent du secteur privé, mais le temps du «fonctionnaire à vie» est bel et bien révolu. Depuis 2007, le Grand Conseil genevois a donné son aval à une nouvelle loi sur la fin du rapport de service du fonctionnaire. 

Avec deux changements majeurs. La nouvelle loi introduit pour la première fois le licenciement pour motif fondé. La loi délègue, par la même occasion, la compétence de licencier aux responsables hiérarchiques des différents services de l’Etat. Pour mémoire, avant 2007, chaque licenciement était décidé par le Conseil d’Etat. 

Et un licenciement ne pouvait être prononcé qu’en cas de motif objectivement fondé, ce qui impliquait des raisons graves et le recours à un enquêteur indépendant pour mener l’enquête et établir les faits. 

Droit d’être entendu, principe de proportionnalité et pas d’arbitraire 

L’Etat de Genève emploie environ 17 000 personnes (13 000 équivalents temps pleins). Contrairement au secteur privé, la résiliation d’un contrat de travail est limitée par trois principes fondamentaux. 1. Le droit d’être entendu. 2. Le principe de proportionnalité (avant de licencier, l’employeur doit proposer une solution de reclassement) et 3. L’interdiction de l’arbitraire. Des principes qui doivent garantir la transparence et éviter tout recours à l’arbitraire dans une organisation étatique. 

Le processus de licenciement est clairement décrit (voir ci-dessous). Le dispositif est lié aux entretiens périodiques individuels. Si les objectifs ne sont pas atteints et que «l’ensemble des mesures n’a pas permis de réduire les écarts constatés à plusieurs reprises», le collaborateur est convoqué pour un entretien d’insuffisance de prestations. Cet entretien se déroule en présence du supérieur direct et d’un responsable RH. 

Le collaborateur peut également être accompagné s’il le souhaite (par un représentant RH, un avocat ou un représentant syndical). A l’issue de cet entretien, deux variantes sont possibles: soit le problème se résout et le collaborateur réintègre le dispositif d’évaluation périodique standard. Soit les fronts se durcissent et l’organisation va proposer un reclassement (poste nécessitant des compétences égales ou inférieures) puis, en dernier recours, décidera de licencier le collaborateur pour motifs fondés. 

Les trois motifs qui engagent la responsabilité du collaborateur sont: insuffisance de prestations; l’inaptitude à remplir les exigences du poste ou la disparition durable d’un motif d’engagement. Il existe aussi un licenciement de type disciplinaire (une révocation) en cas de violation des devoirs de service. L’ancienne procédure d’enquête administrative a été maintenue dans ce cas. 

«Il faut éviter les confrontations, car l’administration gagne toujours.» 

«Ce nouveau dispositif a impliqué un vrai changement de culture. Pour les cadres, le message est de développer l’employabilité de leurs équipes. Du côté des collaborateurs, la grande difficulté est de leur faire accepter la remise en question et d’en sortir avec une dynamique positive», commente Grégoire Tavernier, DRH de l’Etat de Genève. Car si seuls quelques cas tournent à l’affrontement, ceux-ci représentent un gros investissement pour l’organisation. 

«Nous essayons d’éviter les confrontations. Si un collaborateur n’atteint pas ses objectifs, il doit être suffisamment ouvert pour entendre cette critique et pour trouver des solutions pour aller de l’avant. S’il se rebiffe, la situation deviendra très difficile pour lui. C’est beaucoup de souffrance, une dynamique perdante car en définitive, l’administration gagne toujours.»

En 2010, sur un total de 17 000 personnes, 33 ont été licenciées et 17 reclassées. En parallèle, pour favoriser le changement de culture, l’Etat de Genève a introduit un dispositif de gestion des absences. Après la troisième absence, le collaborateur est invité à un entretien. Il s’agit de voir avec lui la cause de ces absences et si nécessaire prendre des mesures organisationnelles ou managériales. 

En cas de maladie, le collaborateur doit de son côté téléphoner à son supérieur direct pour le tenir informé de la situation et organiser son remplacement. «Cela implique plus de suivi de la part de l’encadrement. Et si les choses se compliquent, tout doit être formalisé.»

Les étapes de la procédure

Fonction: assistant de direction*. Cahier des charges: établir des rapports d’activité, travailler de manière régulière avec l’utilisation d’outils bureautiques (fichier Excel) et organisation, prise de PV et coordination de séances de travail. Problème: la personne commence à arriver en retard le matin; ses PV, jusqu’ici impeccables, sont devenus incomplets avec certaines grossières erreurs. Il faut donc réagir.

Premier entretien pour lui annoncer que les objectifs ne sont plus atteints et lui demander ce qu’il se passe (soucis privés ou professionnels par exemple). L’entretien est formalisé (par écrit) et la personne reçoit un délai de trois mois pour corriger le tir. Le délai passé, la situation s’est péjorée. 

Deuxième convocation, cette fois à un entretien de service, en présence du responsable RH et du collaborateur (qui a désormais aussi le droit d’être accompagné). Durant ce deuxième entretien, le cadre supérieur formalise le dysfonctionnement, met sur pied une stratégie pour aller de l’avant. Si aucune amélioration est constatée dans les deux mois, le collaborateur se verra proposer un reclassement. En cas d’échec, intervient un licenciement. 

* Cas fictif.

 

 

L’intervenant

Grégoire Tavernier est le DRH de l’Etat de Genève depuis 2005. Auparavant, il a fait carrière au CICR, sur le terrain comme délégué puis au siège à Genève comme responsable des opérations pour l’Afrique de l’Ouest et comme responsable RH.

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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