Dépendances

Le long cheminement vers la réinsertion professionnelle

L’approche québécoise puis européenne des phénomènes de dépendance (addiction) parle d’un cheminement de réintégration. Dans ce processus, la consommation des produits et les comportements addictifs ne sont jamais que la pointe visible de l’iceberg. Et la réinsertion sera d’abord personnelle, puis sociale avant d’être professionnelle.

La réinsertion, terme à la mode s’il en est. Lorsqu’il s’agit des jeunes de ce pays qui ne trouvent pas leur place dans l’économie de marché, certains politiques n’ont que ce mot à la bouche. Mais si ce terme fait l’unanimité concernant la jeunesse dite sans problème, il n’est que l’aboutissement d’un cheminement qui peut être long pour les personnes qui se trouvent dans des difficultés de vie liées aux problèmes des dépendances. Comment parler de réinsertion pour un jeune dépendant qui consomme des produits de dépendance depuis le sortir de l’enfance? Pour quelqu’un qui s’est donc installé dans des comportements addictifs et n’a jamais été inséré?

Comment parler de réinsertion pour un collaborateur dépendant qui s’est peu à peu mis en marge de l’entreprise en consommant ses pro- duits (alcool et/ou autre) et dont le comportement addictif a, tout aussi progressivement, été couvert par les collègues pour «lui éviter des ennuis»?

N’y a-t-il pas un travail à faire en amont de la réinsertion? L’approche québécoise puis européenne des phénomènes de dépendance (addiction) parle d’un cheminement de réintégration. Dans ce processus, la consommation des pro-  duits et les comportements addictifs ne sont jamais que la pointe visible de l’iceberg.

En effet, comment parler de réinsertion si la personne est tellement mal dans sa peau, angoissée, en état de manque, au point qu’elle doit s’anesthésier en consommant des produits pour supporter son regard dans un miroir et le regard des autres. Que faire de tout le poids de culpabilité et de souffrance lié aux comportements addictifs?

Il y a en préalable à la réinsertion tout un travail de réconciliation à faire avec soi-même et avec les autres. C’est un travail de réadaptation qui consiste à aller voir et travailler sur ce qui se passe sous la pointe visible de l’iceberg. Nous proposons ici une feuille de route pour accompagner la personne dépendante vers la réinsertion. 

Le comportement humain est toujours cohérent. Lorsque quelqu’un est pris dans des comportements addictifs, ce n’est jamais pour rien et rarement par hasard. Il est des facteurs métaboliques et héréditaires, des circonstances et des contextes particuliers qui jouent un rôle dans ce qu’il advient. Nous constatons que la dépendance-addiction s’inscrit aux confins de trois paramètres: la personne, le contexte et les produits/comportements.

Les comportements addictifs répondent toujours à un ou plusieurs besoins fondamentaux que la personne n’a pas pu satisfaire avec ses propres ressources. Les produits apaisent les tensions, calment les angoisses, soignent les douleurs (physiques et morales), stimulent juste ce qu’il faut, amènent de la couleur dans la grisaille quotidienne, mettent à l’abri d’un déséquilibre psychique et apaisent l’affectivité en déroute. Les comportements addictifs ont toujours un sens qui prend la forme d’une stratégie (la plupart du temps inconsciente) dans la vie de la personne addicte.

Comment procéder? Dans un premier temps, il s’agit de faire une coupure d’avec les produits et comportements de dépendance. On peut difficilement demander à une personne quel rôle jouent les produits dans sa vie ou comprendre comment ses comportements l’aident à vivre si ses centres nerveux lui demandent leur dose quotidienne. Le sevrage est donc un préalable indispensable au travail de réadaptation.

Dès que la stabilisation physique et psychique hors produits est atteinte, peut véritablement commencer pour la personne addicte le cheminement de réintégration. Ce cheminement peut être illustré par le schéma numéro.

Tout ce travail de réadaptation conduit la personne addicte à construire et trouver un nouvel équilibre dans sa vie personnelle (moi avec moi), dans sa vie sociale (moi avec les autres) et dans sa vie professionnelle (moi avec le milieu professionnel). Hors des comportements addictifs, cet équilibre produit une harmonie profonde entre ce qu’est fondamentalement la personne, ce qu’elle ressent et exprime et ce qu’elle dit. C’est ce que nous appelons la congruence. Et c’est dans cette harmonie (re)construite que l’on peut véritablement parler de réinsertion. 
    

*Les comportements addictifs sont les comportements liés aux dépendances. Le terme addiction regroupe tous les comportements liés à la consommation de produits de dépendance (alcool, drogues, médicaments…) ou non (dépendance au jeu, au sport extrême, au sexe, à internet, au travail, affective, problèmes alimentaires…).

 

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Philippe Jaquet est directeur-adjoint de la fondation les Oliviers au Mont-sur-Lausanne. Spécialisée en alcoologie et autres dépendances, la fondation propose différents programmes de réintégration socioprofessionnelle.

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