Dossier

Les fondamentaux culturels du changement en organisation

Deux spécialistes suisses romands du changement organisationnel livrent ici leurs conseils pour créer une culture d’entreprise propice au changement.

«Réinventer le quotidien»

«Face à l’incertain, le besoin de leadership est fondamental. Mais il n’est plus là pour paterner. Il est inspiration et obsession. C’est le «Think different» de Steve Jobs, imprégné de valeurs de simplicité et d’esthétisme. Plus près de nous, c’est le «Restaurer la dignité» de Bertrand Levrat directeur de l’Hospice Général de Genève, avec ses accents de responsabilisation du bénéficiaire de l’aide sociale.

La vision est un principe de travail. Si l’inspiration donne le sens du changement, si elle peut s’accompagner d’une réorganisation idoine, ensuite il faut en inventer le quotidien. Pour cela, pas de mégaplanification. L’innovation nécessite d’essayer beaucoup, d’oublier les notions de succès et d’échec pour se concentrer sur celle de prototype, sur l’essai et l’erreur puis sur l’apprentissage.

Grâce à des sortes de think tank, qui, avant de mener des projets, vont commencer par imaginer ce qu’il serait bon d’entreprendre. Ce sont les 20 pour cent de temps libre des employés chez Google, dédiés à l’émergence de nouvelles fonctionnalités. Pour les cliniques Hirslanden, ce sont des groupes qui ont inventé comment suivre le patient en continu entre soignants.

Au sein du Corps des Garde-Frontières, ce sont des équipes mobiles et autonomes qui, depuis la disparition des postes douaniers fixes, réfléchissent à leur stratégie de chasse et à leur organisation quotidienne pour se concentrer avec succès sur des prises liées à des trafics importants.

Ces principes renversent la réflexion classique. On ne cherche plus à adapter les ressources à un but. Ceci reste de mise, mais sur le plan quantitatif. Le dimensionnement de l’entreprise dépend de décisions stratégiques. Par contre, sur le plan qualitatif, on cherche beaucoup plus à identifier et valoriser le capital humain de l’organisation.

Le changement opérationnel est finalement confié à des équipes plus autonomes chargées de le découvrir et de le vivre plus que de l’appliquer.  Pour l’encadrement intermédiaire, le but n’est plus de dire quoi faire, mais de libérer les énergies et de donner à chacun la liberté et la responsabilité d’inventer comment réaliser la vision par l’action. On est beaucoup plus proche du coaching collectif en action que de la formation.»

L'intervenant

Jean-Yves Mercier est professeur de GRH à HEC Genève et consultant. Lien: www.proman-consulting.com/

 

«Créer un sentiment d’urgence»

«Le changement est toujours difficile, car il présuppose que nous sortions de notre «zone de confort». C’est dans cette zone que nous aimons évoluer parce que nous nous y sentons en sécurité. Or, tout changement, tout progrès est impossible tant que l’on reste dans ses modèles et ses schémas.

Pour évoluer, il faut accepter d’entrer dans une zone d’inconfort. Cela fonctionne très bien si cela se fait dans de bonnes conditions (des défis réalistes, une conviction que l’on peut y arriver, que réussir sera stimulant et positif). Bref si l’inconfort reste modéré. Ils ont aussi besoin d’une réponse à la question: «Et moi que vais-je devenir?»

Si cette phase est mal gérée, les individus entrent très vite en situation d’inconfort élevé, dans laquelle ils vont se sentir en danger et réagir de manière émotionnelle (peur, défense de territoires, résistance).

Ceci empêche à la fois le dialogue et le changement. On parle beaucoup de la résistance des collaborateurs. Mais les résistances les plus dangereuses émanent souvent des cadres intermédiaires, parce que ce sont eux qui ont le plus à perdre dans un changement. Ils sont devenus ce qu’ils sont grâce au système en place (compétences, processus, culture managériale, …).

Ce sont les premiers qui doivent être rassurés. Sinon, leurs propres incertitudes et angoisses se révéleront un facteur de blocage rédhibitoire. Ils méritent donc tout particulièrement qu’on les implique et les accompagne pour que le changement devienne le leur.

Pour qu’un changement réussisse, la première condition, c’est clairement qu’il existe un sentiment d’urgence. Les équipes doivent être convaincues que, si l’on ne fait rien, le danger sera plus grand que si l’on agit! L’urgence est évidente lorsque la crise est là. Mais cela signifie qu’on a manqué d’anticipation.

Il faut en effet initier les changements (innovations, réorganisations, etc.) au moment où l’on est encore en plein succès, et non pas lorsque le cycle s’est déjà inversé et que les marges se sont effondrées. L’urgence, c’est d’agir de suite pour qu’on ait le temps de faire les choses juste et bien, sans tomber dans la précipitation. Créer le sentiment d’urgence est donc probablement la première qualité de leadership dans une organisation.»

L'intervenant

Daniel Held est directeur de CAS à la heig-vd et consultant. Lien: www.piman.ch

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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