L'IA et les métiers RH

Les LLM, les nouveaux alliés d'une révolution RH centrée sur l'humain

Quels sont les opportunités et les défis des LLM (Large Language Models) pour les RH? Tour d'horizon des solutions du marché et exploration de leur utilisation en RH avec des pistes pour en faire des alliés stimulant l'innovation.

GPT, Claude, Copilot, Gemini, Mistral... Les grands modèles de langage (Large Language Models) déferlent sur le monde des ressources humaines, bousculant les pratiques établies. Ces algorithmes ultra-performants, capables d’égaler l’humain dans la compréhension et la génération de textes, évoluent à une vitesse stupéfiante. Pour les RH, c’est un défi autant qu’une opportunité. Ces «collaborateurs virtuels» promettent d’automatiser de nombreuses tâches, libérant du temps pour l’essentiel. Mais leur déploiement soulève aussi des questions éthiques et sociétales. Bien utilisés, les LLM peuvent devenir de précieux alliés pour réinventer les pratiques RH, en plaçant l’humain au cœur des priorités.

Panorama des principaux LLM

Les modèles de langage se répartissent en trois grandes familles: les «boîtes noires» comme ChatGPT et Gemini, les modèles à «IA constitutionnelle» comme Claude, et les rares solutions open source telles que certaines versions de Mistral.

Mais au-delà de ces distinctions techniques, le choix d’un LLM soulève aussi des questions cruciales de confidentialité et d’éthique. Les «boîtes noires» sont souvent pointées du doigt pour leur opacité: impossible de savoir précisément sur quelles données elles ont été entraînées, ni comment elles génèrent leurs réponses. Un manque de transparence problématique quand on manipule des données sensibles, comme c’est souvent le cas en RH. À l’inverse, les modèles à «IA constitutionnelle» comme Claude mettent en avant leur approche responsable, avec des garde-fous éthiques et la possibilité d’auditer leur fonctionnement. Quant aux solutions open source, elles offrent par définition un contrôle total sur les données et les algorithmes, au prix d’une complexité de mise en œuvre.

Au sein de ces catégories, chaque LLM a ses spécificités. ChatGPT, le pionnier, séduit par sa polyvalence et sa facilité d’utilisation. Véritable «couteau suisse» de l’IA, il excelle dans une grande variété de tâches, de la rédaction à l’analyse de données en passant par la génération de code. Son successeur GPT-4 repousse encore les limites en termes de capacités de raisonnement et de traitement du langage naturel.

Claude d’Anthropic se distingue par ses capacités de rédaction hors pair. Entraîné de façon «constitutionnelle» pour produire des contenus de haute qualité, exhaustifs et nuancés, il est particulièrement prisé pour la création de longs textes, comme des articles, des règlements, des dossiers thématiques ou de la documentation technique. Il offre également de vastes possibilités d’adaptation de son style et son ton.

Chez Google, Gemini (ex-Bard) mise sur la rapidité et l’intégration de fonctionnalités innovantes, comme la recherche web ou la génération d’images. Conçu comme un assistant personnel intelligent, il rivalise avec ChatGPT en termes de polyvalence, tout en proposant une expérience plus visuelle et immersive.

À l’inverse, Mistral se positionne comme une alternative européenne, avec un corpus d’entraînement centré sur des sources et des thématiques du Vieux Continent. Cet ancrage culturel en fait un choix intéressant pour les entreprises soucieuses de «souveraineté IA» et d’adaptation aux spécificités régionales. En Suisse, Infomaniak a fait notamment ce choix pour proposer un LLM souverain, sécurisé et hébergé sur ses serveurs pour ses clients.

Quant à Copilot de Microsoft, il se distingue par sa forte intégration dans l’écosystème professionnel, de Office à Teams en passant par Power Apps. Alimenté par GPT-4, il vise à démocratiser l’usage des LLM en entreprise, en les intégrant de façon transparente dans les outils du quotidien.

En résumé, le marché des LLM offre aujourd’hui un vaste choix, depuis les modèles généralistes jusqu’aux solutions «de niche». Chaque entreprise peut y trouver son compte en fonction de ses priorités: performance, personnalisation, confidentialité, ancrage culturel... Une chose est sûre: l’avenir des LLM passera par toujours plus de spécialisation, pour coller au plus près des enjeux métiers.

Un potentiel immense

Les modèles de langage offrent de nombreuses opportunités pour optimiser les processus RH. En matière de recrutement, ils peuvent prendre en charge la rédaction d’offres d’emploi ciblées, le tri des CV, la réponse aux candidats, voire même des entretiens préliminaires via chatbot. Côté intégration et formation, les LLM permettent de générer des supports personnalisés, d’animer des modules d’e-learning et de répondre aux questions des collaborateurs.

L’administration RH a également beaucoup à gagner, avec des LLM capables de rédiger des contrats, de gérer les absences et les notes de frais ou encore de mettre à jour les dossiers du personnel. Sur le volet développement des compétences, ils peuvent recommander des formations sur mesure et simuler de véritables entretiens professionnels. Enfin, les LLM se révèlent de précieux alliés pour les analytics RH, en générant des tableaux de bord ultra-personnalisés, en détectant les signaux faibles (risques de démission, conflits latents...) et en prédisant les besoins en recrutement.
Plusieurs entreprises pionnières montrent la voie. Une agence de travail temporaire a ainsi déployé un chatbot qui a divisé par 5 le nombre de mails traités par ses équipes. Une enseigne de distribution a expérimenté un avatar IA pour former ses hôtes de caisse, atteignant un taux de satisfaction de plus de 90%. Un groupe de télécoms a développé un outil détectant les compétences clés dans les CV pour faciliter la mobilité interne. Ou encore, un cabinet de conseil utilise un LLM pour générer des feedbacks personnalisés après chaque mission.

Pour réussir leur transformation IA, les RH devront cependant monter en compétence, co-construire les cas d’usage avec leurs collaborateurs et repenser leur valeur ajoutée. Le défi est de taille: il s’agit d’éviter les écueils de l’«IA washing» gadget ou d’une déshumanisation contre-productive. En dosant savamment l’apport des LLM, les RH peuvent en faire de véritables partenaires d’une expérience collaborateur augmentée, alliant performance et sens.

Les LLM, partenaires créatifs des RH

Au-delà de l’automatisation des tâches, les modèles de langage peuvent stimuler la créativité et l’innovation RH. En dialoguant avec une IA, les RH peuvent challenger leurs idées, explorer des pistes originales et développer des approches inédites.

La méthodologie du «Tree-of-Thought» (arbre de pensée) illustre parfaitement cette dynamique créative. Elle se déroule en 4 étapes: 

  1. On décompose un problème RH complexe en plusieurs questions plus simples.
  2. On soumet ces questions à l’IA, qui génère des idées et des pistes de solutions.
  3. On demande à l’IA d’analyser les avantages et inconvénients de chaque proposition et on combine les suggestions de l’IA pour construire un raisonnement étayé.
  4. On affine et on adapte les propositions les plus pertinentes au contexte de l’entreprise.

Ce dialogue créatif avec l’IA peut s’appliquer à de nombreux défis RH: refondre les entretiens annuels, réinventer l’expérience collaborateur, concevoir des formations innovantes, imaginer de nouvelles modalités de travail... Bien sûr, le Tree-of-Thought ne dispense pas d’un esprit critique et d’une réflexion stratégique. Mais en bousculant nos schémas de pensée, cette approche ouvre de nouvelles perspectives.

Une révolution éthique et humaine

L’essor des grands modèles de langage marque un tournant pour les RH. Plus qu’une simple technologie, les LLM sont de puissants accélérateurs de transformation, poussant la fonction à se réinventer. En automatisant les tâches à faible valeur ajoutée, ils permettent aux RH de se recentrer sur l’essentiel: l’humain. Accompagnement des talents, développement des compétences, co-construction de l’expérience collaborateur... Les «RH augmentées» par l’IA ont un rôle clé à jouer dans un monde du travail en pleine mutation.

Mais pour déployer tout leur potentiel, les LLM devront s’inscrire dans une approche éthique et responsable. Confier des décisions RH à des algorithmes soulève des questions de transparence, d’équité, de respect de la vie privée... Autant de défis complexes qui appellent une vigilance de chaque instant. La clé du succès sera de développer une véritable «éthique de l’IA» en RH, en partant des valeurs et de la culture de chaque entreprise.

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David Matthey-Doret est est accompagnant chez Paradigm21 et IA sparring partner. La rédaction de cet article a été réalisée en collaboration avec Claude 3.

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