"Les médias électroniques vont révolutionner la presse suisse"
DRH du Groupe Edipresse, Blaise Oberson a fait une carrière rapide dans les ressources humaines. Après avoir dirigé le personnel du groupe en Suisse, il développe le management RH pour répondre à l’internationalisation d’Edipresse et à la prise du virage électronique.
Photo: Carine Roth/arkive.ch
Il suffit de quelques minutes de conversation avec Blaise Oberson pour distinguer quelques caractéristiques fortes de sa personnalité. La première – qui permet de percevoir les autres – est une communication très ouverte portée par des mots qui coulent aisément et à un rythme soutenu. L’homme a des lettres. On perçoit, juste derrière, le fourmillement d’idées et l’enthousiasme. Puis, lorsqu’il raconte le début de sa carrière ou ses défis d’aujourd’hui, un esprit genevois tourné vers l’international. Dernier point de cette rapide approche: il ne faut pas le décevoir. Quand on l’interroge sur son style de management, il arrive en effet rapidement sur ce point: «Je crois avoir une vraie capacité d’écoute. En gros, j’apprécie le contact avec les autres. Et je suis prêt à laisser une grande marge de manœuvre à mes collaborateurs, mais il ne faut pas me décevoir. Et si on le fait, on le sait rapidement.» Dans sa carrière chez Edipresse, il a souvent dû trancher. Certains, dans le contexte des restructurations de titres et des réorganisations menées par le Groupe Edipresse, le voient volontiers comme un coupeur de têtes. Il se perçoit plutôt comme un homme qui tente d’évoluer avec le changement extrêmement rapide des médias.
Tourné vers l’international. Un début de carrière au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a rapidement ouvert à Blaise Oberson les yeux sur les affaires du monde. Il y a passé douze ans, dont six sur le terrain (voir encadré ci-contre). Après une dernière mission en Israël, il décide, au début des années nonante, qu’il est temps de quitter les terrains troubles de la planète. On lui propose, en 1993, de travailler pour les ressources humaines du CICR. «D’abord, je n’ai pas voulu, car pour moi les ressources humaines c’était d’abord de l’administratif. Le fameux préjugé lié à cette fonction. Mais le DRH du CICR m’a très vite convaincu.» Aujourd’hui, il ne regrette pas ce changement de cap.
Aux RH du CICR, il commence à se spécialiser en suivant différentes formations. Les événements s’emballent. On lui propose plusieurs postes hors du CICR. Il est finalement engagé en 1998 chez Edipresse. À ce moment, dit-il, il prévoit d’abord de ne passer que deux ans pour atteindre l’objectif qui lui est fixé, c’est-à-dire mettre en place une nouvelle structure RH pour Edipresse suisse. «Je m’étais mis dans la tête de me lancer à mon compte deux ans plus tard, une fois ce projet réalisé.» Mais, après seulement un an et demi, on lui propose le poste de DRH pour la Suisse. Deux ans plus tard, il devient DRH pour l’ensemble du Groupe Edipresse.
Aujourd’hui, il est complètement replongé dans les affaires internationales, dans un registre moins dramatique que celui qu’il a connu au CICR. Le Groupe Edipresse compte 3600 collaborateurs dans le monde pour 180 magazines présents dans quinze pays, avec une vingtaine de publications en Suisse, dont les quotidiens Le Temps, La Tribune de Genève, 24 Heures et Le Matin. Tous les titres Edipresse en Suisse emploient quelque 1600 collaborateurs. «Dans notre groupe, explique-t-il, chaque filiale nationale a un directeur RH qui m’est rattaché fonctionnellement, mais pas hiérarchiquement. Les impulsions et les stratégies RH partent de mon service à Lausanne.»
C’est dans la tour d’Edipresse que sont dessinées les grandes lignes dans le domaine des ressources humaines. Blaise Oberson fait partie du comité de direction du groupe. Il suit et gère personnellement les membres des directions générales d’Edipresse dans le monde, soit «entre 30 et 40 top managers.» Son rôle, dans le comité de direction, lui permet, dit-il, «d’avoir une vision globale et une certaine influence sur le groupe.» Il constate également que cette influence est liée à l’excellente communication qui règne dans ce «board» de la direction d’Edipresse.
Pour lui, il ne fait aucun doute que le rôle de «business partner» est essentiel pour les DRH. Il a d’ailleurs provoqué la réunion de ses pairs au sein des grands groupes de presse mondiaux lors d’un Forum HR organisé dans le cadre de la Fédération internationale de la presse périodique (FIPP) le 7 juin à Londres. «Nous voulions réunir les meilleurs DRH des entreprises de presse pour parler des défis qui sont les nôtres.»
Conséquences directes de ses fonctions, Blaise Oberson passe beaucoup de temps à l’étranger, renouant avec son passé au CICR. Lorsque nous l’avons rencontré, à la mi-juin, il revenait d’un séjour en Espagne – où il a passé «des mois» – qui succédait à son voyage à Londres. Il partait le lendemain pour la Pologne.
La révolution digitale. Au retour de Londres et du Forum RH de la FIPP, Blaise Oberson est d’autant plus persuadé de l’avenir que dessine aujourd’hui le groupe Edipresse. Il analyse: «La Suisse restera toujours le grand pôle de l’activité puisque le pays représente quasi 50% du chiffre d’affaires du groupe. En revanche, il est tout à fait clair que l’évolution du marché suisse est limitée et que nous devons nous diversifier. Notre développement international est cohérent. Nous lançons de nouveaux magazines et nous avons un positionnement clair. Nous n’investissons que là où nous pouvons prendre une part importante du marché. Nous avons des projets passionnants en Pologne (actif depuis 1995, Edipresse Polska est le deuxième éditeur de magazines du pays en termes de recettes publicitaires et le troisième en termes de ventes), en Russie (depuis 2003) et en Ukraine (Edipresse est entré sur le marché ukrainien en 2000 avec l’achat d’un magazine féminin, Edinstvennaya). En Asie, nous sommes en plein développement avec des options en Inde…»
Tout ne va pourtant pas de soi. C’est la raison pour laquelle Blaise Oberson a passé beaucoup de temps en Espagne depuis une année pour dénouer une situation difficile qui s’est résolue par une fusion entre RBA Revistas et Edipresse Hymsa sous l’enseigne RBA Edipresse. Il y a eu des licenciements lors de cette opération et Blaise Oberson ne cherche pas à le cacher. En juillet 2007, la fusion est sous toit. La nouvelle société RBA Edipresse SA est devenue le premier éditeur de magazines en Espagne, en termes de titres, de diffusion, de lectorat et de chiffre d’affaires brut.
Du papier à l’écran. «Les médias digitaux sont bien sûr un axe essentiel de notre stratégie. Nous sommes en train d’engager un nouveau directeur spécialisé dans les nouvelles technologies. Ce secteur est un objectif prioritaire. Du point de vue des ressources humaines, nous devons trouver les collaborateurs compétents dans ce domaine où règne une guerre des talents. Il y a aura de la place pour des gens venant de l’extérieur du groupe, mais aussi pour des collaborateurs déjà présents, car, en termes de contenu, le passage du papier à l’écran est tout à fait réalisable pour nos collaborateurs, surtout pour ceux qui peuvent faire preuve d’un esprit start up.»
A ses yeux, la Suisse doit encore évoluer pour bien percevoir la révolution en cours. «Les Suisses ne voient pas encore assez les conséquences extrêmement importantes que provoquera le développement des médias électroniques. Dans ce domaine, il y aura des places à prendre.»
A quoi ressemblera le Groupe Edipresse dans dix ans? «Une partie importante du chiffre d’affaires proviendra des médias électroniques, nous serons très présents dans les marchés asiatiques. Nous aurons consolidé nos affaires en Suisse et nous aurons une présence encore plus accrue dans le monde.»
Les DRH express
Ce qui vous ressource? Verbier.
Une corvée? La queue dans les aéroports.
Un plaisir? Convaincre et mener tout le monde au bout de quelque chose.
Un livre? "Anthologie de la poésie romande", par Jacques Kupfer.
Un gourou? Jack Welch, ancien CEO de General Electrics et auteur de "Winning".
Un plat? Le hachis Parmentier.
Une boisson? La bière fraîche.
Le meilleur conseil reçu? Une phrase de Jack Welch que j'ai lue dans "Winning": "…the head of human resources in every company should be at least as important as the CFO…"