"Le défi est d’avoir une créativité en éveil permanent"
Fleuron de l’industrie high tech de Suisse romande, la société Logitech connaît une croissance constante depuis 25 ans. Rencontre avec Andrée Suzan, la nouvelle directrice des ressources humaines de Logitech pour l’Europe. Elle raconte comment les GRH peuvent stimuler l’innovation.
L’arrivée d’Andrée Suzan à la tête des ressources humaines européennes de Logitech n’a pas fait un pli. C’est toujours comme cela avec les sociétés en pleine croissance. Et on connaît la success story de Logitech. Depuis 25 ans, l’entreprise a pris une place de choix dans le domaine des périphériques pour ordinateurs. Ses produits sont aujourd’hui distribués dans plus de 100 pays dans le monde. Logitech est un leader mondial dans le domaine des périphériques sans fil et a développé une large gamme de solutions informatiques que l’on retrouve sur tous les bureaux bien équipés du monde: webcams, souris, claviers, haut-parleurs, écouteurs…
La société est en excellente santé, comme le montre la progression de son chiffre d’affaires depuis 2004: de 1,268 milliard en 2004, il est passé à 1,8 milliard en 2006. En avril, le journal «Le Temps» constatait que l’entreprise bouclait son 30e trimestre consécutif de croissance à deux chiffres. Les effectifs de la société ont augmenté de 30 pour cent en deux ans pour atteindre aujourd’hui 7200 personnes.
C’est dans ce contexte dynamique que vient d’arriver Andrée Suzan. Quand elle nous reçoit dans son bureau de Romanel-sur-Morges, elle présente l’image d’une femme extrêmement posée. Claire dans ses visions autant que dans ses objectifs. Et très souriante. Elle ne cache d’ailleurs pas sa fierté de travailler dans le fleuron high-tech nommé Logitech.
Les fenêtres du bureau d’Andrée Suzan donnent sur l’autoroute. On est juste de l’autre côté du mur de protection antibruit, à quelques centaines de mètres de la sortie «Morges». On lui demande si elle est parfois gênée par le trafic. Elle s’en amuse. Comparé à Paris où elle travaillait auparavant, évidemment…
Andrée Suzan est arrivée en Suisse il y a un peu plus de sept mois. Aujourd’hui installée à Lausanne, elle a fait toute sa carrière en France, dans des fonctions ressources humaines. Le domaine de la haute technologie ne lui est pas étranger non plus. Après dix ans dans la société Clearysearch où elle est devenue directrice ressources humaines à 32 ans, elle est passée par 3Com (sécurité informatique et réseaux) et a travaillé ensuite pendant sept ans, jusqu’en 2005, pour StorageTek (stockage de données sur support informatique).
En entrant chez Logitech, elle découvre un modèle de gestion des ressources humaines plus centralisé que dans ses précédents postes. «Je travaille depuis près de 20 ans dans le domaine des ressources humaines de sociétés high-tech. J’ai depuis longtemps des fonctions «multipays», ici, je gère les ressources humaines pour l’ensemble de l’Europe.»
Aujourd’hui, de son bureau de Romanel-sur-Morges, elle est prête à relever les nombreux challenges qui l’attendent dans ses nouvelles fonctions. Et d’abord celui de profiler la fonction RH dans l’entreprise: «A mon sens, elle était perçue comme une fonction de support administratif plus que comme une fonction d’accompagnement du business et des enjeux globaux de l’entreprise.» Dans le rythme extrêmement rapide de sa croissance, Logitech a développé des processus RH. Andrée Suzan veut travailler à leur donner une cohérence en les intégrant dans une réflexion plus large: «Nous avons beaucoup d’outils, mais nous devons les associer pour leur donner une véritable dimension d’accompagnement des responsables de l’entreprise.»
Pour aller dans ce sens, explique-t-elle, «je travaille beaucoup sur la partie ‹training and development› qui va s’exprimer autour de différents axes: comment mieux recruter, comment mieux entourer les nouveaux embauchés, comment aider les managers à accompagner cette intégration?»
Et comment perçoit-elle les collaborateurs de Logitech? «L’employé type de la société est quelqu’un d’extrêmement passionné, d’extrêmement fier d’appartenir à cette entreprise. Il y a une passion pour l’entreprise, pour les produits et un engagement qui va très loin. Les gens s’engagent parfois au détriment d’un équilibre privé. Notre rôle est aussi d’aider les managers à être un peu vigilants par rapport à cela.»
Avant d’arriver chez Logitech, elle s’est occupée d’harmonisation lors du rachat de StorageTek par Sun Microsystems. «J’ai travaillé sur ce projet d’intégration de début 2005 jusqu’à fin 2005. Ce qui m’a le plus frappé quand je suis arrivée chez Logitech au début 2006, c’est de passer d’une entreprise dans une situation où tout était remis en question – quand on vit une fusion, il y a beaucoup d’incertitudes – à un environnement où les gens se sentent bien, sont sereins et portés par une dynamique positive de succès.»
L’une des clés du succès de la société de Romanel tient dans la capacité d’innovation des collaborateurs. Andrée Suzan est aussi là pour l’entretenir: «Bien sûr, nos créatifs doivent être gardés en forme en permanence. Si nos produits se vendent comme ils se vendent, c’est qu’il y a toujours des nouveautés. Notre créativité est en permanence en éveil. De nombreux nouveaux produits sortent chaque année. Dans tous les programmes RH que nous mettons en œuvre, nous essayons justement de faire en sorte que ces valeurs de créativité soient reflétées.»
La croissance de la société impose aussi son rythme aux ressources humaines: «Le nombre de collaborateurs a augmenté de 30 pour cent ces deux dernières années. Nous devons donc recruter vite et recruter des gens de qualité. Et il faut s’assurer qu’ils vont pouvoir s’intégrer dans cette culture d’entreprise, qu’ils vont adhérer à cette dynamique.»
Si tout va si bien dans une société, y a-t-il encore des problèmes à régler? «Attention, faire de la croissance chaque trimestre, c’est un challenge au quotidien. Je pense que chaque journée est un défi pour chaque vendeur et pour chaque manager de l’entreprise. Car il faut aller de plus en plus loin. Les attentes de la communauté financière sont aussi toujours plus grandes. Et nous devons rester extrêmement vigilants vis-à-vis de la concurrence.»
Les managers de Logitech sont aussi au cœur des réflexions de la directrice du personnel. «Jusqu’ici, les collaborateurs ont pu évoluer progressivement, avoir des équipes de plus en plus grandes et progresser vers des responsabilités supérieures. Aujourd’hui, ils ont parfois des rôles de directeur. Leur motivation est venue de cette progression.»
Avec le temps, poursuit la DRH, ces personnes peuvent commencer à se demander quelle est l’étape suivante dans leur carrière. «Nous avons, à cet effet, mis en place un programme de développement. L’idée, c’est de les former à avoir une vision plus large de l’activité de l’entreprise pour pouvoir envisager des évolutions transversales ou verticales. Il faut préparer leur état d’esprit pour aborder la croissance future.»
Le département a aussi travaillé sur les transferts à l’étranger. Car avec sa présence mondiale et une structure importante en Chine, certains collaborateurs expérimentés de Logitech ont émigré vers l’Asie ou les Etats-Unis.
Parmi les autres dossiers sur lesquels elle travaille, Andrée Suzan cite la question de la rémunération: «Il faut que nos packages soient compétitifs»
«Une DRH seule n’existe pas.» Andrée Suzan tient à conclure en parlant de son équipe: «J’ai une équipe pleine de talent. Un de mes enjeux consiste aussi à mettre en valeur ces talents. J’ai passé beaucoup de temps, les premiers mois, à travailler avec cette équipe pour les aider à sortir la tête du guidon.» Elle travaille avec douze collaborateurs qui gèrent 600 employés en Europe.
Le RH express
Ce qui vous ressource? Le contact, les relations. J’ai besoin des autres. Je suis une extravertie au sens propre du terme.
Un bon DRH? Quelqu’un qui arrive à situer l’apport des ressources humaines en fonction des enjeux de l’entreprise.
Un gourou? J’utilise beaucoup les études de Dave Ulrich sur le positionnement de la fonction ressources humaines.
Un plaisir du DRH? Le plus grand plaisir, c’est la reconnaissance de la valeur ajoutée des RH.
Une corvée du DRH? Je suis assez optimiste, je ne vis pas les événements de manière négative. Mais je n’aime pas beaucoup ce qui est adminstratif.
Un plat? La cuisine exotique. Ça doit venir de mes origines guadeloupéennes J’ai vécu en Gouadeloupe jusqu’à l’âge de 5 ans.
Une boisson? Le champagne et l’eau.