Portrait

"Pour faire durer un mariage, il faut s’en occuper"

A la tête des ressources humaines de Crédit Agricole (Suisse) SA depuis six ans, Michel Terrapon a pu se spécialiser dans les fusions. Rencontre avec un homme qui fait l’éloge du positivisme. Le personnel de l’entreprise est passé de 558 à 1113 personnes depuis son arrivée. Rencontre avec un homme qui fait l’éloge du positivisme.

Le bureau de Michel Terrapon tranche avec sa personne. Autant l’homme paraît d’emblée le caractère chaleureux et le verbe généreux, autant l’univers de son antre est sobre: bureau fonctionnel, table de réunion, quelques tableaux sur les murs blancs, quelques souvenirs des voyages qu’il affectionne.

Michel Terrapon a l’habitude de mettre à l’aise ceux qui s’asseyent à sa table avec le ton cordial de celui qui ne se prend pas trop au sé-rieux. Mais, prudence, au jeu de l’entretien, l’homme est surentraîné. Il a l’habitude de les mener, pas de les subir. On s’enquiert de sa formation. Il choisit déjà une autre direction: «Avant de parler de ma formation, j’ai l’habitude de dire que j’ai fait mon université agrarienne en naissant quatrième enfant d’une famille de treize.»

Il aime à rappeler cette enfance rurale qui a forgé son caractère et son sens de la relation à l’autre. Sa chaleur humaine est supérieure à la moyenne. Une impression confirmée par ceux qui le voient évoluer dans l’univers des ressources humaines genevoises. Jocelyne Tauxe, présidente de HR Genève, commence sa description avec le mot «chaleureux». Elle poursuit: «Il est aussi très dynamique, plein d’idées et il sait les mettre en pratique. Il est capable de valoriser les compétences des autres et de dynamiser les groupes.»

A 58 ans, Michel Terrapon est actif dans le RH depuis la fin des années 70. Il a commencé sa carrière avec un CFC bancaire, «déjà dans un Crédit agricole, sourit-il, le Crédit agricole et industriel de la Broye». Il y passe six ans avant de faire son service militaire et de devenir officier. En 1971, il part pour l’Allemagne avant de passer deux ans dans une fiduciaire. Il rejoint ensuite l’hôpital d’Estavayer-le-Lac où il devient chef du personnel. En 1978, il passe à l’UBS, à Genève. «C’est là que j’ai vraiment appris ce qu’étaient les ressources humaines, explique-t-il. J’avais toujours eu de l’intérêt pour elles, mais il n’y avait pas de formation à l’époque». Dix ans plus tard, il entre pour quatre ans à la Republic National Bank of New York d’Edmond Safra. Il devient ensuite partenaire d’une société spécialisée en planification d’entreprises dans les RH, puis consultant de sociétés d’outplacement avant d’arriver en 2000 au Crédit Agricole. 

Depuis, Michel Terrapon a vu le personnel de l’entreprise passer de 558 personnes en 2000 à 1113 en 2005, suite à plusieurs acquisitions et fusions. Dans celles-ci, explique-t-il, les RH «en-trent en jeu dès le départ». Dans chacun des processus qu’il a vécus ces dernières années, Michel Terrapon a commencé par rencontrer chacun des collaborateurs appelés à rejoindre le Crédit Agricole. «Il fallait, explique-t-il, que nous fassions connaissance, car on doit d’abord s’occuper des gens avant de s’occuper de leur fonction. 

Une année avant la fusion avec le Crédit Lyonnais, nous avons commencé la collaboration pour préparer la réunion des deux entreprises». Difficile de faire coïncider les esprits d’entreprises? «N’oublions tout de même pas que ce sont deux banques suisses, donc pleines de points communs, même si l’organisation n’était bien sûr pas la même.» Quelles étaient ces différences? Michel Terrapon n’entre pas dans le détail, il répète plutôt son credo: «L’important lors des fusions est d’avoir un message clair, simple et ouvert. Il faut dire ce que l’on fait et faire ce que l’on dit et ne pas laisser la porte ouverte à l’interprétation. Il faut éviter l’incertitude afin de ne pas amplifier les non-dits ou les rumeurs publiques.» Il insiste aussi sur le rôle important de la formation pour permettre aux nouveaux collaborateurs de s’intégrer dans la nouvelle entreprise. Au Crédit Agricole, il a mis en place, avec son équipe, un dispositif de formation de haut niveau. Il a aussi créé un journal d’entreprise pour que chacun puisse être informé régulièrement.

La présidente de RH Genève, Jocelyne Tauxe commente l’action de Michel Terrapon dans ces fusions: «Il n’est pas toujours facile de faire coïncider deux esprits d’entreprises et de parvenir à préserver l’excellence des deux sociétés en mettant en commun les expériences. Je pense, mais je vois bien sûr cela de l’extérieur, que le Crédit Agricole s’est donné les moyens de réussir cette fusion et que Michel Terrapon a pu appliquer ses excellentes idées dans ce cadre.»

Quand on lui demande s’il y a eu des licenciements lors des fusions, il commence par constater qu’il «préfère les mariages aux enterrements». Positif, toujours positif, il l’admet: «Ma passion c’est le positivisme des gens. La meilleure façon d’aller contre le négatif, c’est de rester positif.» Avant de poursuivre: «Lors de la fusion avec le Crédit Lyonnais, il n’y a pas eu de licenciements voulus par l’entreprise. Mais certains collaborateurs n’ont pas désiré se déplacer à Lausanne, nous leur avons donc proposé un plan social et ils ont eu deux ans pour se préparer au changement». De manière plus générale, à propos des licenciements, il constate que les RH doivent souvent assumer ce rôle ingrat, «mais qui peut être positif pour le collaborateur et pour l’entreprise.»

Au fond, Monsieur Terrapon, qu’est-ce qu’ un bon DRH? «Il faut être charismatique et je crois l’être, ouvert et avoir une main de fer dans un gant de velours. Et il faut savoir écouter.» 

Alain Massiera, le président de la Direction Générale du Crédit Agricole donne aussi sa vision des choses: «Le directeur des ressources humaines doit savoir écouter les gens et, en fonction de cela, retranscrire les propos pour l’opérationnel sans être technique. Il doit aussi pouvoir avoir un regard neutre pour parler de ce qui se passe à la direction générale.» Quant au rôle des DRH dans les fusions, Alain Massiera tient à préciser: «Attention, dans la fusion, le plus important c’est l’opérationnel même si les ressources humaines jouent un rôle important.» La vision du président de la direction générale sur le rôle des DRH a l’avantage d’être claire: «Il y a deux types de DRH. Certains prennent beaucoup de poids en se mêlant de choses qu’ils ne comprennent pas dans l’opérationnel. Ils provoquent des conflits internes. Michel Terrapon n’est pas de ceux-là: il ne fait pas de son rôle une question de pouvoir. Il n’a pas d’ego mal placé et est un excellent communicateur. Il sait recevoir, communiquer, dire oui et dire non. Il connaît enfin bien le domaine de la formation. C’est entre autres pour ces raisons que nous l’avons recruté.»

On peut ajouter que Michel Terrapon a un sens certain de la métaphore. «Une fusion, c’est comme un mariage et notre rôle est de favoriser le mariage. Car il faut s’occuper du mariage pour qu’il dure dans le futur, ça ne va pas de soi.»

Portrait express

Ce qui vous ressource? Les autres et mon équipe.

Un bon DRH? Un berger. Mais je ne me prends pas pour le seul berger.

Une corvée du DRH? Licencier bien sûr. 

 

Un plaisir du DRH? Venir travailler.

Un livre RH? Je préfère l’équilibre des contraires, « L’Alchimiste », de Paulo Coehlo.

Un gourou? Un collaborateur qui m’apporte quelque chose.

 

Un plat? La fondue. 

 

Une boisson? Le vin rouge (délectation et modération).

 
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