L'IA dans l'assessment et les tests psychométriques: le pour et le contre
Comment l'intelligence artificielle impacte-t-elle les cabinets d'assessments et les éditeurs de tests psychométriques? Retour d'expérience et perspectives.
Illustration: iStock
Demander à ChatGPT et autres intelligences artificielles (IA) génératives d’évaluer la personnalité d’un être humain? Mes collègues de mon cabinet, Singulia SA, et moi-même l’avons expérimenté. Nos conclusions: l’IA peut déjà et va encore s’inviter dans les processus d’évaluation des profils des candidats.
Quand ChatGPT devient notre assistant
L’assessment est une méthode d’évaluation où des humains observent les comportements d’autres humains dans un contexte de mises en situations, complétées généralement d’un entretien et de tests psychométriques. Est-ce qu’on peut demander à ChatGPT d’intégrer une telle démarche?
Rappelons qu’il existe depuis plusieurs années des méthodes d’assessment digitales ou assistées par ordinateur. Par exemple, l’élaboration de serious games a rendu ludique l’évaluation en ligne. Toutefois, ces méthodes nécessitent de gros moyens, sont peu flexibles et leur validité est discutable. Il existe aussi des logiciels capables de détecter le temps de parole de participants à un assessment collectif, ou encore d’analyser des vidéos pour rendre compte de certaines variables comportementales. Mais leur mise en œuvre nécessite beaucoup de préparation pour une valeur ajoutée peu évidente dans une phase d’évaluation approfondie.
Nous aurions bien aimé «inviter» ChatGPT dans notre salle d’assessment et voir de quoi il est capable. Mais l’IA la plus populaire du monde, qui peut traiter notamment des fichiers Word, Excel ou PDF, ne sait pas analyser des vidéos ou des sons. Qu’en est-il si nous le nourrissons (anonymement) de nos notes d’observation? Est-il capable de rédiger une synthèse dévaluation? Oui, mais le rendu n’est pas satisfaisant: les corrections à y apporter sont si lourdes que la valeur ajoutée de l’IA est nulle.
En revanche, ChatGPT nous permet de gagner 50% de notre précieux temps lorsque nous rédigeons des sujets inédits pour nos évaluations. Ce qui ouvre la voie à de nouvelles prestations, à mi-chemin entre les assessments standardisés, dont le contenu des mises en situation est invariable, et des sujets écrits sur mesure pour le poste.
L’IA peut-elle nous évaluer?
Dans un chapitre connexe, je demande à ChatGPT de deviner ma personnalité en lui permettant de me poser des questions. Peut-il remplacer un bon vieux questionnaire? Les résultats ne sont pas extraordinaires: malgré des questions parfois intrusives, il peine à inférer correctement mes réponses sur des traits standards de la personnalité.
En revanche, utiliser ChatGPT comme assistant pour créer un nouveau test de personnalité, là, ça fonctionne! Grâce à son concours et malgré de nécessaires corrections, la conception d’un nouvel outil, assez simple, mais intégrant des textes adaptatifs, a été possible en 72 heures au lieu de semaines de travail!
Plus flexibles ou plus économiques?
La première conclusion de ces expériences est que l’IA générative n’est pas suffisamment spécialisée et ne dispose actuellement pas d’assez de moyens pour mener à elle seule correctement une évaluation approfondie d’un être humain et de son potentiel. Mais elle peut fournir un soutien précieux à la préparation d’outils. Et ce temps gagné peut se traduire par plus d’efficacité chez les prestataires RH, et donc soit des gains économiques, soit des prestations plus flexibles.
Il n’y a pas à douter que les IA vont se doter de davantage de méthodes et de moyens de perception, et qu’elles sauront à terme non seulement observer des comportements humains complexes, mais aussi en rendre compte, de manière autonome, dans des synthèses complètes et pertinentes. Avec quel résultat? Sur ce point, ChatGPT décide de me contredire: «L’évaluation de la personnalité est un domaine complexe qui nécessite une compréhension approfondie des principes psychologiques, ainsi qu’une expérience pratique. L’utilisation de l’IA, y compris les services comme le mien, devrait compléter, mais pas remplacer le jugement professionnel et l’expertise humaine.»