Portrait

Maestria relationnelle

Silvia Henry a rejoint l'entreprise QoQa en tant que Head of People & Culture il y a une année, au retour d'une aventure américaine dans le milieu du luxe et de l'horlogerie.

C’est dans un bar de quartier de la capitale vaudoise que nous retrouvons Silvia Henry. La Lausannoise d’origine espagnole y a ses habitudes depuis son adolescence. Il faut dire aussi que son entreprise se trouve alors en plein déménagement. La petite société de vente en ligne, fondée par Pascal Meyer en 2005, est devenue une entreprise à succès forte de 200 collaborateurs et se prépare à investir dans un vaisseau amiral flambant neuf, baptisé le QG.

Son rôle dans cette odyssée? Apporter de la structure tout en préservant l’esprit qui caractérise la société, un mélange d’humour et de capacité d’innovation. «QoQa dégage toujours l’image de petite start-up, avec les avantages et les inconvénients que cela représente, remarque-t-elle. Notre dynamisme fait envie. Mais maintenant, nous devons construire quelque chose de plus solide et stable pour l’équipe. Le défi consiste donc à évoluer en restant fidèle à nos valeurs.»

Carte blanche

La jeune quadragénaire souligne la chance d’avoir reçu carte blanche lors de sa nomination au poste de Head of People & Culture de QoQa. «Avant mon arrivée, seul un poste et demi étaient consacrés à la GRH. J’ai donc pu démarrer avec une grande marge de manœuvre, en commençant par monter une équipe qui puisse créer des bases saines en termes de support administratif.»

Mais le rôle de son département ne se limite pas à la paie ou la gestion des congés. «Le manager RH d’aujourd’hui doit réussir à se placer comme un véritable business partner, notamment en participant activement aux échanges au sein du comité de direction. En raison de la croissance enregistrée par l’entreprise ces dernières années, nous avons désormais aussi la possibilité de mettre en place des notions plus stratégiques, comme le développement d’une culture apprenante ou l’accompagnement des équipes, un point sur lequel je mets l’accent.»

Heureux hasards

Sourire chaleureux et verbe clair, Silvia Henri maîtrise parfaitement son sujet. Mais ses premiers pas dans le monde RH, elle les a faits un peu par hasard. «Après mon master en psychologie, j’ai eu la chance de partir pour une année sabbatique à Singapour. À mon retour, j’ai postulé pour un poste chez Adecco, même si je me disais ne pas forcément vouloir faire du recrutement. La chance que j’ai eu, c’est d’y trouver une équipe avec un esprit hyper positif, et de pouvoir observer les bonnes pratiques de mes collègues plus expérimentés.»

Après quelques années au sein du groupe de placement, elle a envie de découvrir le travail en entreprise. Elle est alors engagée pour un remplacement de trois mois au siège européen de la marque de vêtements Ralph Lauren. Un remplacement plus tard, elle se retrouve à travailler pour le groupe Richemont. Une poste temporaire de trois mois... qui se transformera en neuf ans d’expériences tant dans le support, l’opérationnel que le juridique. «Pouvoir assister un milieu qui fait la part belle au travail d’artisans horlogers et joaillers est quelque chose de passionnant.»

Cap sur la grosse pomme

En 2014, elle souhaite vivre une expérience professionnelle à l’étranger, «aller prendre le pouls auprès des équipes sur le terrain». L’opportunité se présente suite à une discussion quelques temps plus tard avec Daniel Mawicke, le CEO de Richemont North America. «Huit mois après notre échange, il m’a appelée pour me proposer le poste de HR director à New York!»

L’arrivée aux Etats-Unis avec son mari se fait avec les yeux remplis de paillette. Mais la réalité d’une grande ville américaine est aussi rock’n’roll. «Déménager de Préverenges à Mahattan a été une expérience assez particulière, assez épuisante durant les premiers mois. Ce n’est pas pour rien que New York est surnommée la ville qui ne dort jamais. On se retrouve constamment sollicité, le bruit de la rue, les panneaux publicitaires...» La priorité consiste alors de trouver un nid pour recharger ses batteries. Il sera du côté de L'Upper East Side, un quartier situé entre Central Park et l'East River. Il s’agit aussi de se mettre dans le bain d’une société aux codes culturels forcément très différents. «J’ai eu la chance d’être accueillie et accompagnée par une équipe géniale, cette intégration étant déterminante dans la réussite ou non d’un projet d’expatriation.».

C’est aussi la découverte de l’immensité du continent nord-américain, la compagnie ayant son centre de distribution à Dallas, le support IT au Connecticut ainsi que des ateliers de réparation et des boutiques répartis à travers l’ensemble des États-Unis. Dans sa nouvelle fonction, elle a pour objectif de diriger la transformation des RH, notamment en matière de numérisation, mais aussi d’épauler les neufs marques du groupe. «La plupart des marques étant dirigées par des expatriés, il y avait un important accompagnement culturel à effectuer, ce qui était un sacré défi, puisque je vivais la même situation.»

Le relationnel fait la différence

Un jour, elle est chargée de recruter le directeur de la branche américaine de A. Lange & Söhne. Les entretiens des candidats se déroulent en présence de Wilhelm Schmid, le CEO de la marque horlogère allemande. «Quelques jours plus tard, il est venu me dire: j’ai trouvé la bonne personne, est-ce que ça t’intéresse?» en m’offrant un délai de 48 heures de réflexion.» Silvia Henry accepte la proposition, non sans appréhension. «Devenir directrice de la marque pour les États-Unis était une opportunité incroyable, c’est ce qui m’a décidé à relever le défi de me lancer dans un job aussi différent du domaine RH.» Wilhelm Schmid lui expliquera par la suite, que plus que les compétences techniques, c’est le relationnel qui fait la différence dans ce type de fonction, même si elle nécessite aussi de solides connaissances commerciales.

Entrée en poste en février 2016, la jeune femme dirigera durant presque quatre ans l'ensemble des activités et des opérations de la marque aux États-Unis, avec le support d’une équipe de vingt personnes. «Un jour, un ami me dit que Francois Bennahmias, CEO d'Audemars Piguet, recherche quelqu’un pour développer la plateforme commerciale de la marque sur le continent.» L’occasion de partir sur un challenge dans une autre dimension: la marque basée dans la Vallée de Joux est numéro quatre du marché mondial de l’horlogerie, selon le dernier classement réalisé par le cabinet Morgan Stanley. «Je me suis lancée dans cette aventure après un voyage éclair au Brassus, au siège de la marque. Mais dans le même temps, mon mari et moi avons réalisé à quel point notre famille nous manquait, l’impression de passer à côté de quelque chose après six années passées aux États-Unis.»

Le couple décide alors de rentrer en Suisse. Le retour s’effectue au début du mois de mars 2020, cinq jours avant la mise en place du premier confinement. «Cela a été un moment assez particulier, en décalage complet avec l’énergie incroyable propre à la vie new-yorkaise. Mais revenir en Suisse après ma démission d’AP a aussi été l’occasion de prendre un temps pour la réflexion. J’ai alors eu envie de revenir dans le monde des ressources humaines, mais en y associant si possible un aspect business.»

Le défi de l’holacratie

Une opportunité qui s’est concrétisée chez Qoqa, où elle a été engagée au mois d’avril 2021. Concernant ses échanges avec Pascal Meyer, la «loutre in chief» de l’univers QoQa, elle souligne qu’il s’agit de quelqu’un qui fonctionne à la confiance et donne une marge de manœuvre géniale. «Il est aussi capable de réorienter du jour au lendemain 30% du staff pour un projet qui ne rapporte pas d’argent.» Une chance incroyable, dit-elle, qu’il s’agit désormais de concilier avec l’holacratie, qui cherche à autonomiser les différents cercles de compétence présents dans l’équipe. «Mais il n’est pas question de le museler pour autant, il conservera toujours un rôle d’agitateur.»

Ce qu’elle apprécie particulièrement dans la culture de l’entreprise installée à Bussigny (VD)? «Les gens se parlent beaucoup, tout le monde se montre très accessible, y compris Pascal. Le tutoiement immédiat que nous pratiquons peut d’ailleurs en surprendre certains. Je pense que l’adéquation avec la culture d’entreprise représente 50% d’un recrutement réussi.»

Il y a quelques mois, QoQa a été nommée «entreprise la plus innovante de Suisse» dans le domaine du commerce à l’occasion d’un classement réalisé par le magazine Bilanz, Das Schweizer Wirtschaftsmagazin, PME Magazine et Statista, notamment en raison de l’instauration d’une gouvernance basée sur l’holacratie par la société vaudoise. «Comme nous nous sommes lancés en fin d’année dernière, il est encore un peu tôt pour faire un premier bilan de cette expérience. Je dois pour le moment composer avec une forme d’inconnu, mais c’est aussi ce qui rend cette transformation très exaltante.»

Bio express


2021: Head of People & Culture chez QoQa

2019: Vice-Présidente Sales chez Audemars-Piguet

2016: Présidente North America chez A. Lange&Söhne

2011: HR Advisor, puis HR Director chez Richemont

 

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Erik Freudenreich est le rédacteur responsable de la version française du site HR Today.

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