Dépoussiérons notre regard et observons l'actualité politique et sociale du coin de l'œil «RH». Et nous verrons apparaître sans difficulté l'éternel trio du Roi, du Sage et du Bouffon qui hante la presse et nous rappelle que la réalité dépasse toujours la fiction. Une fois la surprise passée, nous procéderons à un examen de conscience et nous nous demanderons si la vie de nos entreprises est si différente...
Mouammar, le Roi
Mouammar... A qui appartient ce prénom mielleux aux consonances enfantines et maternelles? A l'acide colonel Kadhafi bien sûr, le roi de la Lybie, l'homme qui fait frémir les nations occidentales. Le chat qui fait de nous ses souris. Le dictateur qui fait de nous ses soumis, prédestinés - selon lui - à l'atomisation.
Que nous apprend le Colonel? Il nous rappelle que l'expression pure du pouvoir résulte des rapports de forces institués. Nous avions oublié cette vieille rengaine marxiste. Mais elle reprend aujourd'hui tout son sens dans un contexte d'effroyable crudité. En effet, dans son délire mégalomaniaque et carnavalesque, Mouammar démontre clairement que la loi du plus fort reste la meilleure et que les décisions - minuscules comme stratégiques - trouvent leur puissance et leur force non pas dans leurs pertinences intrinsèques, mais dans les intérêts qu'elles rapportent au Roi. Habituellement, la réalité ne s'offre pas dans cette nudité affreuse. Elle est toujours habillée par d'habiles stratégies de communication masquant les rapports de force et les véritables enjeux.
Kadhafi nous permet alors, particulièrement à nous RH, de nous interroger sur la circulation du pouvoir dans nos organisations. Au sein de nos entreprises, des otages sont-ils retenus contre/par leur gré? Des violences symboliques sont-elles exercées? Des discours étranges sont-ils prononcés? Le droit de parole est-il autorisé? L'expression du pouvoir managérial est-elle démocratique ou dictatoriale? Des contre-pouvoirs sont-ils autorisés?
Lhamo, le Sage
Lhamo... A qui appartient cet étrange prénom aux résonances aériennes? Au guide spirituel Dhondrub, plus connu sous le nom de Dalaï Lama, apôtre de la non-violence (prix Nobel de la paix), chef du gouvernement des Tibétains en exil et récemment invité à Lausanne pour deux jours de conférences.
Que nous apprend le Sage? Il nous rappelle l'importance cruciale du savoir, de la sagesse et de la réflexion. Dans nos vies comme dans nos organisations. Dans un monde surmédiatisé, où le «speed dating» incite d'accroître le nombre de «ses amis» sur Facebook en une minute chrono, le Sage nous apprend la lenteur, le calme, le courage, l'effort, la détermination et l'humilité.
Le Dalaï Lama nous permet alors, particulièrement à nous RH, de nous interroger sur la capacité de nos entreprises à élever «vers le haut» nos collaborateurs. Autrement dit à les former, à les développer et à plaider pour le modèle de «l'organisation apprenante». Nos politiques de formation sont-elles innovantes? Apprennent-elles à penser, à réfléchir et à créer du lien? Nos budgets sont-ils suffisants? Nos animateurs sont-ils suffisamment engagés?
Ernesto, le Bouffon
Ernesto... A qui appartient ce prénom vieille France, mais latinisé? Au milliardaire Bertarelli, l'homme à qui tout réussit (la beauté, l'intelligence et la richesse). Marin d'eau douce (élevé au bord du Lac Léman) et de mer, Bertarelli par son amour pour la voile est devenu le leader, le propriétaire et l'âme de la flotte Alinghi.
Que nous apprend Ernesto? Il nous rappelle que le rêve, l'enthousiasme et l'audace sont les ingrédients du succès. A l'instar des Bouffons du XVème siècle, Bertarelli a su amener avec professionnalisme - en Suisse et ailleurs - de la légèreté, de l'utopie et du souffle, fédérant autour d'un projet impossible des millions d'Helvètes surpris d'admirer fièrement le drapeau suisse porté par un mât carbone. Ernesto nous permet alors, particulièrement à nous RH, de nous interroger sur la capacité de nos entreprises à créer du rêve, c'est-à-dire une vision inspirante et motivante à l'endroit de ses collaborateurs.