La contribution RH dans l'organisation

Trois dirigeants partagent leur vision de la contribution RH à l’organisation

Quelle est selon vous, la contribution majeure d’un département RH au succès de votre entreprise? Comment mesurez-vous cette contribution et où sont les potentiels d’amélioration? HR Today a posé ces questions à trois dirigeants d’entreprise. Eric Davoine, professeur de GRH à l’Université de Fribourg, commente ensuite leurs réponses. 

 

Dominique Millour, 60 ans, a dirigé deux entreprises bancaires et pratiqué le financement d’entreprises au sein du groupe Crédit Agricole en France.

Quelle contribution RH au succès de l’entreprise?

Dominique Millour: Je suis un homme de chiffres. En termes de consommation de la valeur ajoutée des entreprises, les RH représentent 67 pour cent en moyenne. C’est beaucoup. Le département RH doit donc être un centre de services à forte valeur ajoutée pour l’organisation.

Dans quels domaines particuliers?

Le XXIème siècle sera l’ère de la compétence, singulièrement dans le secteur des services et de la finance. Un département RH doit être en mesure de qualifier la compétence recherchée, car quand on sait qualifier, on sait évaluer. Il faut donc être en mesure d’établir des grilles de compétences, puis des descriptions de postes qui sont en cohérence avec la stratégie. Cette cartographie des métiers et des compétences permettra à l’organisation d’évoluer.

Quels sont les indicateurs pertinents?

En plus du taux d’absentéisme, de la variabilité de la productivité et du turnover, nous travaillons beaucoup à la dimension qualitative des services fournis. Dans le secteur financier, la qualité d’une prestation est toujours liée à la satisfaction du client final. Le client a des besoins qu’il faut décrypter. Pour les comprendre, il faut partager son émotion. Le vrai média entre l’entreprise et le client final ce n’est donc pas le produit (très comparable d’une banque à l’autre), mais le collaborateur. Je crois beaucoup à cette démarche. La chaîne de valeur entre les clients internes d’une organisation, les contributions propres de chaque collaborateur au client final doivent être clairement perçues et maitrisées. Chacun a un rôle à jouer. Que ce soit les services comptables, les services informatiques ou le front office. Ce processus joue un rôle fondamental sur la dimension émotionnelle et le sentiment d’appartenance du collaborateur à l’organisation. Si chacun est conscient de ce qu’il apporte au client final, le taux d’engagement va se développer.

Où se situe le potentiel d’amélioration?

Dans tout ce processus, le département RH doit être capable de cerner les besoins précis de chaque unité et de suggérer une assistance au management. Les attentes de l’entreprise en termes d’activité et de stratégie doivent être mises en synergie avec les attentes des collaborateurs. Il y a là un dialogue à nourrir. Certains aspects ne sont pas négociables (comme la stratégie), d’autres le sont (comme l’organisation du travail). Ces échanges permettent de responsabiliser les collaborateurs et de leur montrer qu’ils sont pris en compte en tant qu’êtres humains. Expliquer une stratégie permet d’exprimer une aventure et de rendre attentif aux dangers de l’immobilisme en tant qu’acteur de l’économie. En général, 80 pour cent du corps social comprend ces exigences.

 

Eric Saracchi est en charge du programme SAP pour le groupe Firmenich. Il dirige plus de 200 collaborateurs et rapporte au directeur financier de la société.

Quelle contribution RH au succès?

Eric Saracchi: Les RH doivent aider au design de l’organisation, faciliter la gestion de la performance et identifier les talents aussi bien à l’extérieur de l’entreprise qu’à l’intérieur. Ils doivent également préserver la culture d’une entreprise. Ils sont les gardiens de la politique salariale et s’assurent de la cohérence des salaires en faisant régulièrement des benchmarks de chaque fonction sur chaque marché. Ils doivent enfin aider les managers à développer leurs collaborateurs par des techniques de coaching, de formations et de développement de carrière.

Quels sont les indicateurs pertinents?

Il y a bien entendu des indicateurs numériques tels que le turnover, l’absentéisme ou le temps de recrutement. Toutefois, d’autres indicateurs tels que le positionnement de l’entreprise dans des benchmarks (Best company to work for) sont également très importants. De plus, l’accès à l’information RH est crucial dans tout le processus de prise de décision d’un manager. Il est donc très important d’avoir une relation étroite avec un partenaire RH.

Quels sont les potentiels d’amélioration?

Je vois surtout des erreurs à ne pas commettre. Les RH ne doivent pas s’immiscer dans ma fonction de manager. Ils ont un rôle de facilitateur et non un droit de vie et de mort sur les collaborateurs. RH a également un rôle clé dans la gestion des transitions organisationnelles ainsi que dans la méthodologie de la gestion du changement.

 

Vincent Dessenne, 39 ans, dirige depuis 2009 la société Heraeus Materials SA à Yverdon. 

Quelle contribution RH au succès? 

Vincent Dessenne: En termes administratifs, les RH doivent gérer la vie en entreprise dans le respect des lois. Nous sommes une société de production, avec des équipes qui tournent 24 heures sur 24. Il y a donc beau-coup de réglementations à respecter et une bonne collaboration à entretenir avec les syndicats et la commission du personnel. La deuxième fonction est d’être attentif aux besoins du personnel. Cela dit, je ne pense pas que les RH doivent avoir une prise directe avec les employés dans leur vie quotidienne, leur rôle étant plutôt de soutenir le management. Par leur action, ils jouent un rôle important dans la motivation, le développement et l’aide au changement. La troisième est stratégique. Elle est la plus complexe et la plus sous-développée. Le défi est de traduire la stratégie de l’entreprise en des objectifs mesurables pour tous les départements. Avec au final une politique RH en cohérence avec ces impératifs.

Quels sont les indicateurs pertinents ? 

Nous avons des indicateurs métriques classiques. L’absentéisme, qui est lié au stress et au climat social; la satisfaction; le taux de réussite à l’embauche; le turnover et la productivité. Les indicateurs relationnels sont plus complexes et j’ai tendance à m’en méfier. Comment mesurer une bonne culture d’entreprise ou la qualité d’un accompagnement? Cette image est difficile à prendre et c’est dans le long terme que l’on sait si les bons choix ont été faits. Néanmoins, la difficulté de la mesure ne doit jamais être un frein aux efforts pour créer la culture d’entreprise recherchée.

Quels sont les potentiels d’amélioration?

Cette capacité à mesurer le qualitatif de leur accompagnement. J’attends des RH un vrai soutien au management. Ils doivent les aider à former et à développer les collaborateurs. La culture du business et le réflexe stratégique doivent être améliorés. Les RH doivent aider l’entreprise à maximiser l’utilisation des compétences internes dont nous n’avons même pas la moindre idée! Ils doivent aussi aider à responsabiliser les collaborateurs.

«Parler le langage coût/performance de la direction»

Eric Davoine, professeur de GRH à l’Université de Fribourg, a récemment réalisé une enquête en coopération avec les sections romandes d’HR Swiss sur la contribution stratégique des départements RH. Il compare ses résultats avec les interviews de dirigeants réalisées ci-dessus.

«Nous avons réalisé une enquête sur la contribution des responsables RH au processus de management stratégique en Suisse romande. L’analyse des 163 questionnaires reçus nous a permis de formuler plusieurs constats qui trouvent une illustration dans les propos précédents:

•  La fonction RH est d’abord perçue dans les entreprises répondantes comme un prestataire de services pour la direction et la ligne, c’est-à-dire comme un département de soutien et d’expertise pour le recrutement, l’administration du personnel et la gestion de la formation, mais aussi plus récemment pour l’analyse des compétences, la définition et le suivi d’indicateurs de performance RH. Les rôles de partenaire stratégique, d’agent de changement, d’expert du dialogue social sont également exercés mais de manière moins systématique.

•  Les départements RH ne participent pas de manière homogène aux différentes phases du processus de management stratégique: ils sont très présents dans les phases d’analyse stratégique et de mise en œuvre de la stratégie, par exemple pour analyser les forces et faiblesses, les menaces et les opportunités spécifiques aux ressources humaines de l’entreprise, ou pour adapter les compétences des salariés aux axes stratégiques ainsi que pour décliner en interne les grands objectifs stratégiques. Par contre, ils contribuent moins aux phases d’élaboration des idées stratégiques et de la formulation des critères des décisions stratégiques. Les responsables RH disent contribuer à montrer l’importance des enjeux RH d’une stratégie mais ont plus de mal à comparer les avantages compétitifs liés aux compétences aux autres sources d’avantages compétitifs de l’entreprise. Enfin, dans la phase de contrôle stratégique, il semblerait que de plus en plus d’entreprises intègrent des indicateurs RH aux tableaux de bord (absentéisme, rotation du personnel, chiffres de la formation…). Mais il y en a encore peu qui collectent systématiquement une information plus qualitative, par exemple par le biais d’enquêtes de satisfaction, d’enquêtes sur les motifs des départs volontaires ou d’analyse des formulaires d’entretien d’évaluation individuelle... Il est intéressant de noter que si les petites entreprises ont rarement de procédures formelles très développées, certains responsables RH de PME peuvent contribuer de manière majeure à la réflexion et aux actions stratégiques, à condition que la relation interpersonnelle de partenariat soit forte. Dans les entretiens précédents, on voit clairement que les dirigeants souhaitent que la fonction RH soit – et reste - un prestataire de service, une fonction d’expertise mais aussi une fonction relais qui renforce la ligne et facilite le dialogue avec les salariés. Il est intéressant aussi de constater que ces dirigeants observent l’évolution des outils RH (gestion des compétences, indicateurs, enquêtes…) avec un œil plutôt favorable et perçoivent l’importance des enjeux RH de la stratégie. Il est enfin rassurant de voir que la fonction RH est associée à une valeur ajoutée et à une prestation de service qui la rendent de plus en plus légitime, mais à la seule condition de savoir mesurer cette valeur pour pouvoir parler le langage coût/performance de la direction.»

 

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

Plus d'articles de Marc Benninger

Cela peut aussi vous intéresser