La contribution RH dans l'organisation

Comment mesurer et stimuler l’esprit entrepreneurial des collaborateurs

La satisfaction et l’engagement du personnel sont des leviers puissants pour atteindre les objectifs stratégiques de l’entreprise. C’est aussi le premier niveau de la contribution RH au succès de l’organisation. Mais en quoi les facteurs de satisfaction au travail influencent-ils l’engagement? Une enquête dévoilée ici en exclusivité donne quelques pistes. 

 

Quelle distance reste-t-il à parcourir pour aller d’un personnel globalement satisfait vers des collaborateurs engagés et enthousiastes? Cette interrogation prend une place toujours plus importante dans les réflexions des DRH depuis le début des années 2000.

Cette nouvelle préoccupation s’explique notamment par l’augmentation de la complexité et de l’incertitude dans plusieurs secteurs économiques. A cela s’ajoute un contexte concurrentiel toujours plus féroce, dans lequel la satisfaction du client final fera la différence.

Pour reprendre une formule de Christel Beaucourt et de Pierre Louart dans un article sur les salariés entrepreneurs1, «à l’autorité du chef se substitue celle du client et des marchés». Mais cette évolution n’est pas sans ambiguïtés, puisqu’elle augmente la responsabilité et l’autonomie des collaborateurs tout en maintenant un contrôle strict en termes de résultats et de qualité.

Par ailleurs, plusieurs études2 ont montré que le personnel connaît mal la stratégie de son entreprise, surtout quand le marché est en évolution rapide. Mais comment combler ces déficits et comment travailler sur l’engagement pour augmenter la performance des équipes? Une étude actuellement en cours tente de répondre à ces questions.

Lancée au début de l’année 2009 par les consultants Daniel Held et Olivier Saurais, cette enquête est intéressante à plus d’un titre puisqu’elle décortique la chaîne de valeurs qui relie tous les acteurs d’une organisation jusqu’au client final. Olivier Saurais, 55 ans, créateur en 2003 de la société de conseil Mbee.M, a mené toute sa carrière dans les études de marché et la satisfaction client. Il a notamment participé à la création de la société française MSR (spécialisée dans la mesure de la qualité du service) avec Jacques Horowitz, qui enseigne aujourd’hui à l’IMD de Lausanne. Ensemble, ils ont publié en 1987 «La Qualité du Service».

En partenariat avec le consultant Daniel Held, le spécialiste romand des enquêtes d’engagement (voir son interview dans HR Today n° 3 2009), Olivier Saurais a développé un modèle qui mesure la corrélation entre la satisfaction et l’engagement.

«Les entreprises oublient souvent de travailler sur la performance interne»

Leur modèle part du constat suivant: les organisations, privées mais aussi publiques, développent de plus en plus des mesures sophistiquées sur trois volets: 1. la satisfaction et la loyauté du client final; 2. l’efficacité de l’organisation interne vue sous l’angle du client interne (finance, production, vente, marketing...) et 3. l’engagement des collaborateurs et son lien avec la satisfaction.

«Ces dernières années, les travaux menés sur l’amélioration et surtout l’optimisation des processus internes ont mis en évidence une condition du succès souvent négligée: la performance de l’organisation. L’engagement d’un collaborateur ne durera pas longtemps si celui-ci se heurte à des procédures contraignantes», explique Daniel Held.

L’étude devrait justement permettre de mieux comprendre la corrélation entre la politique RH, la manière dont l’organisation fonctionne (organisation du travail, responsabilisation, esprit client interne) et la satisfaction des clients finaux. Le questionnaire a été validé par l’EPFL et la HEIG-VD d’Yverdon. A ce jour, six entreprises de Suisse romande y ont participé, ce qui représente pas loin de mille questionnaires remplis.

Selon Olivier Saurais, cette enquête est intéressante à plus d’un titre, puisqu’elle introduit une innovation majeure dans les RH: la comparaison de la qualité perçue (la dimension rationnelle: les composantes du travail dans l’entreprise répondent-elles aux attentes) et de la valeur perçue (la dimension émotionnelle: l’image qu’on en a, l’attachement affectif, la valeur que cela procure). Cette dernière est directement influencée par la manière dont l’entreprise gère ses clients et les relations internes.

Cette valeur émotionnelle aura tendance à chuter si la société est confrontée à des problèmes de qualité (défauts dans les produits, réclamations à la suite d’un mauvais service). Cette situation est souvent le résultat d’un manque de leadership et de l’absence de valeurs fortes. Les collaborateurs ne se sentent pas fédérés par une cause commune. «Cette différence entre qualité perçue et valeur perçue met en évidence des leviers nouveaux dans l’action RH: au-delà de l’amélioration des politiques et processus, il s’agit de veiller à la manière dont les choses sont vécues au quotidien, parce que c’est ce qui impacte le plus directement l’engagement», analyse Olivier Saurais.

L’étude a notamment permis de valider les composantes clés communes à plusieurs entreprises qu’il s’agit de piloter pour éviter ces travers: le travail en soi; les moyens; le développement des compétences; l’entreprise et sa culture; l’esprit client et qualité; l’organisation et les processus tout comme la relation avec le supérieur direct. «Il s’agit aussi d’identifier les particularités culturelles souvent fortes qui différencient les modèles d’engagement», précise Olivier Saurais.

Les deux consultants ont également pu valider un algorithme qui permet d’identifier de manière fiable les facteurs qui ont le plus fort impact sur l’engagement, en positif (renforcement) et en négatif (freins). Cette partie du questionnaire a permis d’établir une cartographie du «plaisir au travail», avec quatre profils type de collaborateurs: 1. Les gens moteurs, qui sont très satisfaits et engagés. 2. Les collaborateurs confortables, satisfaits mais peu stimulés à s’engager et à progresser 3. Les proactifs qui sont très engagés et dont l’insatisfaction peut être un moteur si elle est bien interprétée et enfin 4. Les freins, qui sont insatisfaits et peu engagés.

Cette cartographie permet de visualiser la dynamique de l’entreprise. Olivier Saurais: «Si l’organisation compte un grand pourcentage de collaborateurs satisfaits mais peu engagés, le risque est qu’ils s’établissent dans une zone de confort dont il sera difficile de sortir le jour où le marché leur imposera des grands changements».

1  La vogue des salariés entrepreneurs, in Encyclopédie des Ressources Humaines, éd. Vuibert, 2003, pp. 428-440 

2  Notamment les études de Norton et Kaplan sur les Balanced Scorecard publiés en 1996.

Les intervenants

Olivier Saurais, 55 ans, est le créateur et directeur de Mbee.M Sàrl (www.mbeem.com), une société de conseil spécialisée dans la mesure d’efficacité de programmes de formation, d’engagement et de processus transversaux.

Les intervenants

Daniel Held, 54 ans, est le créateur et directeur de PI Management (www.piman.ch). Il enseigne aussi à l’Université et à la HEIG-VD.

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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