Portrait

Du géant de la grande distribution au champion du commerce équitable

Françoise Vonmoos Jamolli est DRH chez Switcher, l'entreprise de textile à la baleine jaune qui a fait du développement durable et du commerce équitable sa marque de fabrication. Depuis peu, elle assume également la présidence du Cours romand pour les Questions de Personnel (CRQP). Une institution qu'elle compte mettre sous les feux de la rampe.

Tiripur, province du Tamil Nadu dans le sud de l'Inde. Malgré la touffeur accablante, le «Paléo Band», une fanfare locale composée d'enfants et soutenue par le festival éponyme, déroule son répertoire pour les invités du jour. Parmi eux, Françoise Vonmoos Jamolli. Pourtant, l'heure n'est pas au tourisme. La directrice des ressources humaines de l'entreprise de textile Switcher est venue se rendre compte par elle-même de la manière dont les produits de la marque à la baleine jaune sont confectionnés par près de 3000 petites mains du textile.

Tirupur n'est pas surnommée pour rien «la Ville des tricots». Près d'un million de personnes travaillent dans les 7000 usines disséminées aux abords de la cité. Une activité qui rapporte près de 2 milliards d'euros par an au pays. Comme d'autres marques de renom, la société Switcher utilise le savoir-faire des ouvriers et ouvrières du Tamil Nadu. A une différence peut-être. Ici, des conditions de travail dignes et respectueuses sont érigées en valeur cardinale. «Cela fait partie de la philosophie Switcher, raconte Françoise Vonmoos Jamolli. Les habits Switcher sont aussi propres sur le plan social qu'écologique.» Une volonté, affichée depuis belle lurette par le très médiatique fondateur de la firme Robin Cornelius, qui a conquis la DRH.

«Ce voyage en Inde fut une expérience magnifique, explique Françoise Vonmoos Jamolli, les yeux encore brillants. Cette rencontre avec l'Inde et ses habitants ont définitivement renforcé la conviction que j'avais fait le bon choix en entrant chez Switcher.» Si les voyages forment la jeunesse, il en va donc de même pour les salariés Switcher. «Idéalement, pour la DRH que je suis, tous nos collaborateurs devraient pouvoir se rendre chez un de nos fournisseurs pour voir et comprendre la philosophie qui sous-tend l'action de Swicther», explique-t-elle. «Pour des questions évidentes de coûts, ce n'est pas possible.» Seul un petit nombre, une vingtaine sur les 120 que compte la PME en Suisse, a fait un jour un séjour en Inde ou au Bangladesh.

Elle a repris la présidence du CRQP à Claude Ruch depuis avril 2008

Depuis le début de l'année, Françoise Vonmoos Jamolli a une autre corde à son arc. Elle préside le Cours romands pour les Questions de Personnel (CRQP). Fondé en 1961 à l'initiative des sections romandes de HR Swiss, le CRQP a pour but d'offrir des formations dans le domaine des Ressources Humaines. Françoise Vonmoos Jamolli succède ainsi à Claude Ruch, DRH de Romande Energie. «C'est la première femme à présider le CRQP, explique le président sortant. Au-delà de cela, c'est une personne très engagée qui a un véritable talent pour communiquer. J'aime beaucoup sa façon très positive de travailler. Je sais qu'elle fera de très bonnes choses à la présidence du Cours romands pour les Questions de Personnel».

Françoise Vonmoos Jamolli et le CRQP, c'est déjà une longue histoire. «Cela fait dix ans que je participe à cette belle aventure», souligne-t-elle. Claude Ruch a fait un excellent travail lors de sa présidence. Je vais continuer les chantiers déjà initiés» Mais quelle sera donc la «patte» Vonmoos Jamolli pour ces deux prochaines années ? «Nous ouvrir encore sur l'extérieur pour faire mieux connaître nos activités». Plus de relation publique donc. «Affiner nos réseaux et partenariats sera un autre axe de travail». Françoise Vonmoos Jamolli entend aussi s'appuyer sur un Sounding board. Composé de professionnels à stature internationale. Comme Yves Fluckiger, vice-recteur de l'Université de Genève et professeur au département d'économie politique de l'Université de la cité de Calvin où il dirige l'Observatoire Universitaire de l'Emploi. Ou Xavier Comtesse, directeur romand d'Avenir Suisse, un think-thank axé sur les développements économiques, sociaux et politiques. A fin septembre, un grand événement attend la présidente. Le congrès RH à Berne. Une grand-messe qui réunit tous ceux qui comptent dans la galaxie des ressources humaines. 

Directrice RH des 7000 employés de Coop pendant la fusion des unités

Rapide retour en arrière. C'est sur les bords du lac de Neuchâtel que Françoise Vonmoos Jamolli à tâter de l'économie. Un cursus de gestion d'entreprise à l'UniNe. «Neuchâtel était déjà à l'époque en avance sur son temps. C'est une des premières à avoir développé des études de ressources humaines et de psychologie du travail». Françoise travaille ensuite dans une société d'assurance. Pas convaincue, elle bifurque vers la grande distribution. Chez Coop. Françoise Vonmoos Jamolli y œuvrera durant 12 ans. En s'occupant des études de marché puis comme adjointe du directeur des Ressources Humaines, «mon mentor ». Puis, à force de travail et de ténacité, elle est nommée directrice des RH Coop en 1997. Avec une équipe de 60 personnes, pour s'occuper de 7000 collaborateurs Coop. C'est aussi l'époque de la fusion des sociétés régionales Coop en une seule entité mère. Un mandat que la directrice RH mènera de bout en bout.

En 2002, c'est la naissance de son deuxième enfant Tristan. Un doute l'assaille. Et si je passais à côté de ma vie en continuant à travailler d'arrache-pied? se dit-elle. La décision est rapidement prise. Elle quitte Coop. «J'avais vraiment envie de vivre pleinement ma maternité, de vivre cette aventure de mère au foyer.» Ce qui ne l'empêche pas de continuer à peaufiner son réseau professionnel. Et au CRQP.

Après deux ans de maternage, elle se voit confier un mandat: la mise sur pied d'une formation pour les directeurs RH. Puis elle est engagée six mois au CIO à Lausanne pour de la gestion de projets aux côtés du directeur RH du comité international olympique. «J'ai beaucoup aimé cette période consacrée exclusivement à mes enfants mais j'avais très envie, et besoin aussi, de retrouver une activité professionnelle digne de ce nom». Après ces quelques mandats, voilà qu'une baleine jaune la hèle. Un mirage? Un vrai défi.

Car de la Coop à Switcher, le saut est quantitatif. Alors que chez le grand distributeur son équipe comprenait 60 personnes, chez Switcher, voilà qu'elle gère une équipe RH composé de... deux collaborateurs! «C'est vrai que cela change d'une grosse structure, mais travailler en petite équipe avec des personnes extrêmement compétentes me convient parfaitement. Cela permet de développer une certaine polyvalence», raconte, enthousiaste, Françoise Vonmoos Jamolli. «On n'est plus seulement dans le conceptuel, mais dans le pragmatisme, une proximité quotidienne avec les collaborateurs. J'aime cette immédiateté, ce contact permanent.» 

Stakhanoviste pendant les heures de bureau, épicurienne à la maison

Cela tombe bien. C'est une des qualités que l'on lui prête. Stakhanoviste aussi un peu. «Je cours après le temps...» Quand Françoise Vonmoos Jamolli s'arrête enfin de courir après les chronos, que fait-elle? «Je deviens épicurienne!», s'amuse-t-elle. Nourriture de l'esprit et nourriture terrestre. Elle avoue à demi-mot une passion pour les bons vins. Suisses cela va sans dire et pour les Bordeaux, son péché mignon. «Je ne suis pas une collectionneuse, mais j'aime bien me rendre chez des viticulteurs pour découvrir leur production». En plus de reprendre les rênes du CRQP, Francoise Vonmoos Jamolli vit aussi d'importants changements en tant que DRH. Switcher s'est en effet adjoint les services d'un CEO et s'est doté l'année passée d'un conseil d'administration. Du coup, même si le fondateur Robin Cornelius reste à la tête de l'entreprise familiale comme actionnaire principal et président du conseil d‘administration, il n'est plus seul à décider de la stratégie d'entreprise. Le CA est d'ailleurs en pleine réflexion sur une stratégie de développement à l'étranger. Et notamment dans les pays scandinaves, sensibilisés depuis longtemps à une approche éthique du commerce qui fait le succès de Switcher depuis 25 ans. 

«C'est Françoise la vraie patronne»

Si Swicther a réalisé en 2007 un chiffre d'affaires de 80 millions de francs, dont 85 pour cent en Suisse, elle se doit de trouver d'autres débouchés pour faire face aux fortes turbulences qu'a connues l'entreprise en 2006-2007. En cause? Quelques mauvais choix stratégiques et la météo. Le facteur climat? La plaie du marché du textile. Les printemps et début d'étés pourris ont pesé sur les ventes de t-shirts et autres maillots en coton. Mais aussi la crise des subprimes. «Les entreprises qui voulaient faire appel à nous pour des articles promotionnels, ont subitement renoncé pour des questions d'économies».

Mais cette morosité passagère n'affecte en rien Françoise Vonmoos Jamolli et encore moins Robin Cornelius. Qui ne tarit pas d'éloges sur sa directrice des ressources humaines. «Elle a l'état d'esprit Switcher. Elle est vive, créative et dotée d'une excellente capacité d'écoute.» Et Robin Cornelius de conclure, le sourire en coin: «En fait, il ne faut pas le dire, mais c'est Françoise la vraie patronne de la maison».

Le DRH express

Un livre: Un Homme d'Oriana Fallaci, une ode de courage et de détermination magnifique.

Un plaisir: Un repas entre amis après une belle journée de ski dans le Val d'Anniviers!

Un plat: Un loup grillé avec son filet d'huile d'olive et du gros sel de l'île de Ré.

Une boisson: Un petit Chasselas de la Côte, bien frais.

Un objet fétiche: Mon petit Laguiole accroché à mon porte-clés, un brin décalé mais si pratique!

Le meilleur conseil reçu: Ne fais jamais aux autres ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse.

 

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