Portrait

Le traqueur de talent au carnet d’adresses à faire pâlir d’envie

Antonio Maturo officie depuis trois ans comme consultant pour le prestigieux cabinet de recrutement Spencer Stuart. Sa spécialité? La finance et les ressources humaines. Poignée de main ferme, flanqué d’un sourir enjoleur, il y a chez Antonio Maturo comme une bienveillance naturelle. Portrait d’un chasseur de tête.


Comment tenter par de subtiles questions de faire se dévoiler un personnage dont la devise professionnelle pourrait se résumer par un lapidaire: «le silence est d’or»? Antonio Maturo, consultant pour le prestigieux cabinet de recrutement Spencer Stuart n’échappe pas à la règle. Sa profession de chasseur de tête est ainsi faite, que discrétion et réserve sont élevées en vertue cardinale. «Je vous rassure, chez Spencer Stuart, nous ne cultivons pas le mystère, s’amuse Antonio Maturo. Ce n’est qu’un élémentaire respect à la fois pour nos clients et pour les hauts cadres que nous recrutons.» 

Plus qu’un carnet d’adresses, il serait même dans le «secret des dieux»

Certains dans le milieu des traqueurs de talents disent de lui qu’il est sans nul doute l’un des meilleurs chasseur(s) de tête de Suisse romande. «N’exagérons rien, rougit-il presque. Cela fait seulement trois ans que j’exerce ce métier, avec passion, certes, mais de là à me couvrir de lauriers…» Et pourtant. Parmi ces laudateurs, Bernard Radon, de la société Coaching Systems, n’en démord pas. «C’est assurément l’un des meilleurs. Pourquoi? Il a une excellente vue du business et il a un talent certain pour comprendre et faire comprendre les attentes des grandes entreprises qui le mandatent.» Antonio Maturo peut compter sur un charisme certain. «C’est vrai. Il est très chaleureux et disponible», acquiese Bernard Radon. Un atout manifeste qui lui a sans doute permis de se composer un carnet d’adresses à faire pâlir tout bon réseauteur. Il serait même dans «le secret des dieux». Comprendre par là, qu’il sait anticiper le besoin des uns et le souhait d’évolution de carrière des autres. «Une recherche prend généralement de huit à douze semaines, avec des contacts constants avec le client». Avec un principe intangible: «On ne va jamais recruter un candidat chez un client. Pour une question de déontologie évidente.»

Poignée de main ferme, flanqué d’un sourire enjoleur, il y a chez Antonio Maturo comme une bienveillance naturelle. Ce consultant de haut vol est pourvu d’une voix douce et assurée. De celle qui vous accompagne avec chaleur et qui, à l’autre extrême, vous promet de noirs moments pour une faute impardon-nable. Comme pour ce top manager caressé dans le sens du poil pendant plusieurs semaines avant que son CV ne laisse subitement entrevoir des diplômes d’une prestigieuse Université… factice. «Mentir sur ses compétences, c’est tromper son employeur du moment et aussi le prochain. Et ça, chez moi, ça ne passe pas», raconte Antonio Maturo, l’œil soudain plus métallique. On ne sait pas ce qu’il est advenu du truquiste, mais on devine qu’il a disparu du carnet d’adresses du consultant genevois ainsi que des fichiers informatiques de la firme. Comme dans toutes entreprises de ce type, Spencer Stuart dispose en effet d’une base de données comprenant plus de 2 millions de profils, accessibles par tous, à tout moment. «Cela permet à un consultant de New-York de savoir si le top manager qu’il veut approcher est déjà en relation avec un autre consultant de la maison». Une base de données remises quotidiennement à jour par une armada de recherchistes. 

Une des distinctions de cette firme internationale: le consultant ne délègue pas sa recherche mais l’effectue lui-même avec son équipe. «Le contact personnel donne au consultant une meilleur connaissance de son domaine et de son réservoir de candidats». Après chaque recherche, une enquête de satisfaction est automatiquement menée auprès de chaque client. Un questionnaire qualitatif. Avec à la clé, une «notation». «C’est un système très intelligent qui permet à la fois aux recruteurs comme moi de savoir si le mandat a été correctement effectué et aussi, évidemment, à Spencer Stuart de déterminer la qualité du travail fournit par ses collaborateurs». Une notation qui a aussi un impact sur le revenu de chaque chasseur de tête.

Il ne recrute jamais chez un client, pour des raisons de déontologie

Et côté finance justement? Gros cabinet de recrutement, le chiffre d’affaires de la firme est sans nul doute colossal. Mais voilà. Spencer Stuart est un partnership privé qui ne publie pas de résultats financiers. Sait-on seulement que la filiale parisienne affichait en décembre 2006 un chiffre d’affaires de 12,5 millions d’euros. Pour douze consultants. 
Né à Aigle dans le canton de Vaud, au pied des montagnes, son enfance fut pourtant à moitiée italienne. Il grandit près de Naples, un lieu gorgé de soleil et grouillant de vie. A l’orée de ses dix ans, ses parents décident de quitter la botte pour se réinstaller sur la Riviera. Un cursus sans histoire avec une passion prononcée pour les mathématiques, la physique et la chimie qui le mèneront pourtant à choisir HEC à Lausanne. «Bien que trilingue, je dois avouer qu’à l’époque, j’étais en délicatesse avec les langues», sourit-il. 
Aujourd’hui, si cet homme occupé se dédie à un métier «fabuleux», il le juge pourtant parfois «difficile». «Notre profession n’est pas reconnue à sa juste valeur, explique-t-il. Nous sommes le plus souvent vu comme des prédateurs, alors que notre rôle est d’offrir des opportunités de carrière et de satisfaire la demande d’entreprise à la recherche de la perle rare. C’est pourquoi je n’aime pas trop le terme de «chasseur de tête» ou de «chassé». Mais bon, ces mot sont rentrés dans le vocabulaire commun, alors je m’en accommode.»

Il ne court pas les soirées mondaines pour entretenir son réseau

Avant d’être recruté en 2005, par Spencer Stuart, Antonio Maturo a passé 17 ans chez feu Arthur Andersen Business consulting. La société coulera en 2002 dans le scandale Enron. D’abord à la division audit à Londres puis comme consultant en ressources humaines pour l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique. Un profil parfait pour son employeur actuel. «J’aime cette firme. Je ressens comme une alchimie avec Spencer Stuart». Qu’est-ce qui différencie ce cabinet tentaculaire d’une autre société de recrutement? Sa notoriété sans nul doute, qui, comme Rome, ne s’est pas bâtie en un jour. Fondée en 1956, Spencer Stuart affiche crânement en ce début 2008, 58 bureaux éparpillés dans 26 pays. Celui de Genève, logé dans un immeuble cossu, mais discret, se situe au Carrefour de Rive en plein centre-ville. Il compte quatre collaborateurs. 

«La dimension à la fois internationale et de proximité de l’entreprise me convient parfaitement.» Parcourant régulièrement le globe, Antonio Maturo dispense également des conférences. La dernière l’a mené au Luxembourg pour une causerie sur «l’évolution de la trésorerie en Europe». De travail, il n’en manque donc pas. «J’ai choisi une profession où la disponibilité est primordiale.» Ses journées sont donc réglées comme du papier à musique. Pas militaire, classique plutôt. Levé aux aurores, à 5 heures, il s’affaire sur son ordinateur dans un coin de la maison encore endormie, jusqu’à sept heures. Ensuite? Du temps pour sa princesse, Amira, 6 ans. Pour de petites confidences sur le chemin de l’école. «Je suis au bureau de 9h30 jusqu’à passé 20 heures. Ces moments du matin, en famille avec mon épouse et ma fille, sont précieux». Le soir, bulles de champagne et petits fours font peu partie de son univers. Contrairement à ce qu’on pourrait s’imaginer des chasseurs de tête - à l’affût constant de managers à ajouter à leur tableau - Antonio Maturo ne court pas les soirées mondaines pour entretenir son réseau. «Je m’y rend avec parcimonie. J’aime disposer de mes soirées pour inviter des amis à la maison ou me rendre à des conférences axées - cela ne vous étonnera pas - sur les ressources humaines». Equilibre et simplicité.

Interview espress

 

 

Qu’est-ce qui vous ressource? Ma famille, la nature. En particulier les paysages de montagne, comme la vallée de Conches en Valais.

Un livre de chevet? Aucun en ce moment, de préférence un sujet hors business.

Un gourou? Aucun, mais plusieurs amis de qui j’apprends par le partage.

Un plat? La cuisine méditerranéenne.

Une boisson? Un bon vin rouge.

Le meilleur conseil reçu? Une phrase de Goethe : Whatever you want to do or dream, you can do. Begin it! Boldness has genius, power and magic in it.

 

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