La considération et la dignité: il y tient par-dessus tout
Lui-même assure être devenu DRH par accident. Sa vraie passion est la formation et le coaching. Il dit: «Le DRH est celui chez qui arrivent tous les problèmes non résolus de l’organisation, en anglais on appelle cela un «trouble shooter». Augmenter la capacité d’un individu représente seulement 10 pour cent de mon activité.»
Dans sa nouvelle vie de consultant, il souhaite justement se consacrer à l’accompagnement de managers. La posture Morand? Son ami Michel Salamolard, avec qui il a publié récemment «Prêtre et après?» utilise cette image: «Quand Maxime voit un chalet, portes et volets fermés, il n’a qu’une envie: escalader le portail et ouvrir toutes ces fenêtres.»
Mais attention! Ce ne sera jamais au détriment de la considération et de la dignité. Deux valeurs auxquelles il tient bec et ongles. «J’en ai connu qui séparent le petit personnel de l’encadrement. Cela m’agace énormément. La personne qui apporte le café dispose de la même dignité qu’un associé indéfiniment responsable. La dignité, c’est de considérer les gens dans leur univers et de les regarder vraiment, sans les feinter. C’est la différence que je vois entre l’existence et le rôle. Quand j’évalue un candidat pour un poste de cadre, je me demande toujours s’il joue un rôle ou s’il existe vraiment. Exister, c’est prendre le risque d’être soi-même. J’ai vu arriver des candidats avec des CV énormes. Mais une fois en face de moi, il n’y avait pas d’étincelle dans leur regard. Le leadership ce n’est pas de jouer le meilleur rôle possible. Le leadership, c’est d’exister.»
Thème suivant: le DRH Business Partner. «Si de nombreux responsables RH se gaussent d’être des partenaires stratégiques, très peu le sont vraiment. Maxime au contraire tient totalement cette posture. Il n’a pas peur de s’affirmer. Il a l’élégance de ce qu’il a à dire et le dit sans crainte», plaide Daniel Schmid, fondateur du cabinet RH Conseil à Genève et ami de longue date.
L’intéressé est moins catégorique et commence par mettre en garde contre le risque d’inféodation à la ligne. Il affine: «Notre rôle est d’offrir de l’indépendance et de la distance et d’être des contre poids.» Thierry Lombard, associé de Lombard Odier, donne ce commentaire: «Tout responsable doit avoir du courage et des opinions claires. Maxime Morand a les deux. Et de plus, de par sa personnalité et son parcours de vie, il a une capacité supplémentaire de poser des questions pertinentes et impertinentes.»
La posture n’est pas évidente. Car tenir tête à des personnalités au pouvoir considérablement supérieur au sien implique un vrai savoir être. Maxime Morand: «J’essaie de résister avec assez d’humour et de jeu pour maintenir la relation. Il faut être solide et avoir une bonne hygiène de vie.» Une bonne hygiène de vie? «Oui. J’entends par là de ne pas vivre avec l’argent qu’on gagne. On ne sait jamais de quoi demain sera fait. Et il faut garder une certaine indépendance.
«Si vous ne mettez pas le poisson sur la table, il va commencer à puer.»
Une distance qui lui permet de parler vrai. Il détaille: «Dans les professions centrées sur l’humain, comme les métiers RH, on rencontre souvent des individus dont le goût du respect et de la gentillesse les empêche d’être vrais. Mais comme dit le professeur de leadership Georges Kohlrieser: «Si vous ne mettez pas le poisson sur la table, il va puer.» Confronter les problèmes d’emblée évite de grandes souffrances à terme. Si j’ai apporté une chose dans cette Maison, c’est d’oser le conflit.»
Et ce parler vrai ne semble pas lui avoir créé beaucoup d’ennemis. Christelle Schultz, sa responsable des rémunérations chez Lombard Odier, est dithyrambique: «Il a du charisme et une aura naturelle. Il nous aide à prendre la bonne décision en nous invitant à trouver nous-mêmes le cheminement. Il maîtrise l’art du contre-pied intellectuel, avec beaucoup d’instinct et de maîtrise. Je crois que je ne l’ai jamais vu se tromper sur une décision.»
Lui sourit et nuance: «Si vous réussissez 8 recrutements sur 10 c’est déjà une très bonne statistique.» Sa manière d’aborder les problèmes mérite cependant qu’on s’y arrête un instant. Il a développé une approche multifacettes. «J’essaie toujours d’avoir une vue panoramique. Le registre j’aime/j’aime pas est trop réducteur. Il faut savoir prendre de la hauteur et développer son sens du discernement, sa jugeote. Nous ne sommes pas tous égaux. Certains ont besoin de plus que d’autres.»
Ses décisions les plus difficiles? «Les licenciements. Ces moments sont toujours difficiles car ils vous touchent personnellement. Ces entretiens-là sont tellement délicats qu’il vaut mieux les confier à des professionnels.»
Pour faire face et garder la maîtrise, il se lève tous les matins à 5h30. Au programme 20 minutes de gymnastique et 15 de méditation. «Avant la bataille, les armées romaines commençaient par une «statio». Ils restaient debout en silence quelques instants avant de s’élancer vers l’ennemi. C’est cela la vraie maîtrise, il faut laisser venir l’orage et l’émotion et les regarder en face.»
L’entretien touche à sa fin. Voici venu le moment de parler de son parcours de vie. Il botte en touche assurant que tout a déjà été répandu sur le Net. Ce sera donc bref. Né en 1952 à Vouvry dans une famille socialiste/radicale et grands consommateurs de littérature – père contre-maître à la Ciba de Monthey et mère couturière –, il a une sœur qui dirige aujourd’hui les musées cantonaux du Valais.
Après des stages chez les moines d’Hauterive et le séminaire de Fribourg, Maxime Morand devient prêtre. Il rompt son sacerdoce à 34 ans, se marie et commence une longue carrière dans les ressources humaines. Credit Suisse, Union bancaire privée et Lombard Odier. Divorcé, remarié, il a eu deux fils de son épouse actuelle.
Passionné de poésie – il a publié un recueil de poèmes qui font «dialoguer le souffle de la spiritualité et l’énergie de la sexualité» – il se ressource en peignant dans son atelier, dans une vieille ferme qu’il a retapé lui-même. Et quand il a un gros souci, il repart dans sa montagne, marche 2h30 jusqu’au col. Revient. Et le problème est réglé.
Maxime Morand en 30 secondes
Un lieu? Le Vallon de Vernaz (canton du Valais)
Un livre? Citadelle de Saint Exupéry.
Une musique? Israël en Egypte de Händel.
Un film? Mon nom est personne, western spaghetti de Tonino Valerii et Sergio Leone (1973).
Un plat? De la compote aux raves, avec du salé.
Une boisson? Un Chasselas à 12 %, si possible du Dézaley de Claude Duboux.
Une bonne question lors d’un recrutement? Quand vous êtes sous stress, qu’est-ce qui change dans votre comportement qui est observable?
Le meilleur conseil reçu? De proposer à mes subordonnés 30 minutes d’entretien par semaine, à l’envers. Seuls ou à plusieurs, ce sont eux qui choisissent les sujets.