Une pionnière de la formation continue dure et perdure dans la cité de Calvin
Femme d’action, Geneviève Auroi-Jaggi a mis sur pied le concept de formation continue de l’Université de Genève, aligné sur les standards en vigueur dans la Communauté européenne. Fonceuse, elle anticipe sur les besoins professionnels de demain tout en obtenant l'adhésion de ses différents partenaires. Près de 10 000 personnes se sont inscrites en 2009.
Geneviève Auroi-Jaggi à Genève, avril 2010. Photo: Olivier Vogelsang/disvoir.net
La formation continue de l’Université de Genève a un visage dans la cité de Calvin. Celui de Geneviève Auroi-Jaggi, sa directrice depuis près de vingt ans. Sans elle, cet atout de l’institution publique n’aurait peut-être pas la même aura en 2010. Quand on arrive dans son fief à la rue de Candolle, on la reconnaît instantanément.
Très avenante, Geneviève Auroi-Jaggi incarne tout de suite une femme de communication. On la sent d’emblée dynamique et directe. Du genre à aimer propulser les choses plutôt que d’attendre derrière son bureau que tout vienne à elle. Une manière de faire qui lui a souri puisqu’en deux décennies, elle a doté l’UNIGE d’un service de formation continue de haut vol, aligné sur les standards en vigueur chez nos voisins européens.
En chiffres, près de 10 000 personnes se sont inscrites en 2009. Le service compte 16 personnes, à cela s’ajoutent près de 200 collaborateurs au sein de l’institution universitaire. Grande amatrice de défis, Geneviève Auroi-Jaggi accepte en 1991 un mandat pour créer le service de formation continue de l’Université de Genève avec l’idée de faire avancer les choses et de combler le retard en matière de formation continue de la Suisse.
Car en France, elle est déjà obligatoire depuis 1971. Elle peut être fière de son travail. «A l’Université, grâce à un travail d’équipe, elle a développé ce service à partir de rien il y a une quinzaine d’années. Aujourd’hui, le succès est au rendez-vous car il s’agit du plus grand lieu de formation continue de Suisse», explique Jean-Yves Mercier, directeur associé du MBA HEC. «Elle sait monter une formation continue. Elle possède les compétences et a toujours plusieurs initiatives et idées pour répondre aux besoins du marché. Et surtout, elle est capable de mettre en œuvre un projet et de faire adhérer les différentes parties qui y sont liées.
Des médias à la formation
Après des études en sciences de l’éducation et en sciences politiques, elle réalise un mémoire qu’elle approfondit dans l’intention d’en faire un doctorat sur la modification des articles 27 et 27 bis de la Constitution fédérale. Plus précisément, ces articles traitent de la formation continue et lui donnent l’occasion d’approcher le domaine aussi bien sous l’angle de l’histoire, que du droit et de la science politique.
Ensuite, elle est engagée à la TSR où elle travaille comme productrice et journaliste pendant 12 ans pour une émission pionnière dans notre pays de connaissance de l’actualité et des médias. Puis, elle part vivre en Amérique latine pendant trois ans. Elle saisit alors l’opportunité de travailler comme journaliste free lance au Pérou. Elle devient ainsi correspondante pour l’Hebdo ou encore La Liberté, Le Courrier, Radio Canada et la Radio Suisse romande en réalisant des sujets sociopolitiques et culturels.
A son retour en Suisse, elle répond à une annonce. Avec succès. Elle obtient ainsi le mandat pour créer de A à Z la formation continue à l’UNIGE. Lorsqu’elle a commencé, Geneviève Auroi-Jaggi s’est mise à l’écoute des besoins de la société. L’idée de rapprocher le savoir de la cité, l’une des missions de l’UNIGE, la motive d’emblée. Surtout qu’elle aime le contact avec les gens au quotidien.
«Elle possède une personnalité généreuse et très positive. Très novatrice, elle sait faire en sorte que les choses se passent. Elle et moi, nous venons d’horizons très différents et malgré cela, j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec elle», confie Pierre Dominicé, ancien directeur académique de la formation continue universitaire à Genève.
Parmi ses qualités, elle est curieuse et va de l’avant en tout temps. Sa devise, «where there’s a will there’s a way », lui permet de mettre en œuvre une foule de projets au cours de sa pratique professionnelle. Même si parfois elle fonce trop selon certains, elle aime aussi que les choses se réalisent dans l’harmonie. C’est ainsi qu’elle conçoit le travail dans son équipe.
La directrice travaille toujours par passion, non pas par devoir. Chez ses collaborateurs, elle aime l’esprit d’initiative et la capacité de s’investir dans son job. Elle les encourage bien sûr à se former en tout temps. Actuellement, elle est l’une des spécialistes de la formation continue.
«De nos jours,les choses changent énormément. Les gens veulent pouvoir se former quand ils le souhaitent dans le lieu de leur choix. Les nouvelles technologies, internet, ont totalement changé la donne et offrent plus de flexibilité. Nous pouvons travailler avec des outils extraordinaires à présent», relève la directrice.
Les nouvelles technologies et leur apport lui plaisent résolument. Les nouveaux supports du multimédia, les formations à distance proposent en effet une panoplie de solutions. Sa méthode: toujours analyser les besoins en amont pour pouvoir répondre aux plus près aux attentes des individus. Lorsqu’elle se lance dans la mise sur pied d’une nouvelle formation, elle étudie en détail le métier concerné.
Une démarche qu’elle juge intéressante. Ce qui la touche? «C’est quand des anciens diplômés s’expriment des années après leur cursus sur le plaisir qu’ils ont eu à le suivre. C’est enrichissant d’obtenir de tels retours de ces anciens étudiants», confie encore Geneviève Auroi-Jaggi.
Les défis pour la formation continue
L’objectif d’une formation continue est d’acquérir ou de mettre à jour des savoirs, de pratiquer des compétences utiles dans le monde professionnel, et aussi de créer un réseau entre les étudiants. «Ces échanges enrichissent la vie humaine. L’une des premières formations, le certificat en Ressources humaines, répondait à un besoin des directeurs RH. Je me souviens des pauses pendant lesquelles les participants pouvaient parler entre pairs de sujets difficiles comme le licenciement, alors qu’ils ne pouvaient pas le faire sur leur lieu de travail. En fait, on peut parfois apprendre autour d’une tasse de café!», observe la directrice.
Selon elle, la formation offre des transitions entre la vie professionnelle, la vie de l’apprendre, et des périodes faites pour mettre à jour des connaissances, des moments spéciaux comme le chômage ou la réorientation professionnelle. Aujourd’hui, les métiers changent et il faut savoir s’adapter estime la directrice qui s’interroge aussi sur le phénomène d’inversion de la pyramide des âges.
«D’ici quelques années, le nombre de retraités en hausse dans certains secteurs, et qui ne seront pas remplacés, risque d’induire une pénurie de personnel dans de nombreux domaines. Il nous faut donc intégrer les besoins de demain dans les cursus d’aujourd’hui. En outre, il faut tenir compte qu’il y aura de plus en plus de retraités avec des besoins précis.»
Par ailleurs, de nombreux nouveaux offreurs de formation supérieure débarquent sur le marché, comme des universités étrangères. Les formations initiales données en emploi avec des horaires adaptés à des adultes avec un bagage professionnel ont aussi le vent en poupe pour favoriser un retour à l’université à différents niveaux.
«Par exemple, reprendre un bachelor en droit alors qu’on a fait un premier diplôme en communication», relève Geneviève Auroi-Jaggi. Parmi les projets de son service, elle est en train de monter une série innovante de quatre DVD destinés à la formation de manager. Parmi ses autres idées, elle souhaite mettre les savoirs des professeurs à disposition du public du monde entier, en tout temps et en tout lieu. Son rêve? «Rendre visible la mine d’or de la connaissance.»
Une femme de tête
Dans la vie comme à son travail, Geneviève Auroi-Jaggi est une femme de caractère qui sait se battre pour défendre ses opinions. A l’UNIGE, elle a l’habitude de travailler de manière transversale et de jongler avec les différentes obligations inhérentes à ce type d’institution publique.
«Elle a su prendre des risques sur des programmes qui n’appartenaient pas à la ligne classique de l’Université. Elle a énormément d’idées», commente Pierre Dominicé. Dans le privé, mère de trois enfants, elle a su concilier vie professionnelle et vie familiale. Le secret: «Il faut savoir s’entourer dans la vie. Ensuite, j’ai une chance, celle d’être passionnée par mon travail», analyse la directrice.
Femme de tête, elle est plutôt une créatrice, très à l’aise dans l’innovation et toujours à l’affût d’un nouveau défi. Elle aime que les choses fonctionnent. Elle en fait sa priorité. Parmi ses hobbies, la photo occupe une place de choix puisqu’elle emporte toujours avec elle un appareil photo depuis qu’elle a neuf ans. La peinture l’attire aussi.
Sa préférence? Créer des carnets de voyages pendant ses déplacements, de dessins et de peintures. Elle privilégie aussi l’écriture lorsqu’elle trouve du temps. Et un projet personnel? «Pourquoi pas se lancer dans la réalisation d’un nouveau documentaire.»
Geneviève Auroi-Jaggi express
Un plaisir? Méditer au cœur d’une belle nature ou dans un monastère.
Une corvée? Devoir entendre des nantis se plaindre.
Un livre? «Soie» d’Alessandro Baricco.
Un plat? Le cebiche mixto.
Une boisson? Le limoncello maison de mon neveu.
Un objet fétiche? Un ruban «flower power». Un souvenir de Woodstock ramené des US.
Le meilleur conseil reçu? Die Möglichkeit ist ein Wink von Gott, hier soll man folgen.
Geneviève Auroi-Jaggi