Jeunes pousses

"Une politique RH sert d’abord à créer une bonne équipe"

Fin connaisseur des défis posés aux entreprises émergentes, le responsable pour la Suisse romande de Venturelab Jordi Montserrat analyse pour HR Today le rôle joué par les ressources humaines dans une start-up. Le recrutement sera décisif. Car ce qui compte avant tout, c’est la mise sur pied d’une bonne équipe, insiste-t-il.

 

HR Today: A entendre des jeunes patrons de start-up, on a l’impression que les ressources humaines passent souvent au second plan lors de la phase de lancement d’une entreprise, vrai?

Jordi Montserrat: Tout dépend de ce que vous entendez par ressources humaines. Si vous parlez d’organisation et de politique RH, c’est probablement vrai. En revanche, quand il s’agit d’acquérir les bonnes compétences pour que l’entreprise ait du succès, les RH figurent parmi les priorités. D’ailleurs, dans les domaines très pointus dans lesquels sont actives la plupart des start-up, c’est le recrutement de talents qui sera décisif pour tenir sur le long terme. 

Le recrutement de personnel supplémentaire est donc le premier défi RH qui se pose à une société émergente…

Oui, mais la question est incontournable pour n’importe quel patron qui veut faire croître son entreprise. Dans le cas d’une start-up, le problème du recrutement se pose très rapidement. Et comme par définition, une start-up a un avenir incertain, c’est d’autant plus difficile d’obtenir la confiance des jeunes talents. 

La gestion des RH est-elle différente dans une société qui croît grâce à ses fonds propres que dans celles qui font appel à des investisseurs extérieurs?

Non, je ne crois pas. Car ce qui compte dans les deux cas de figure, c’est la qualité du management. Pour une société d’une dizaine de collaborateurs, peu importe l’origine des fonds, l’impact qu’aura l’engagement d’une mauvaise personne sera énorme. 

En revanche, les sociétés qui ont reçu des fonds externes ont souvent peut-être plus de pression pour engager rapidement les ressources dont elles ont besoin. Ils ont des objectifs à tenir et ne peuvent parfois pas se permettre d’attendre plusieurs mois avant d’être certain d’avoir trouvé le collaborateur parfait: une prise de risque est donc parfois nécessaire. D’un autre côté, une société qui lève des fonds dispose d’une plus grande réserve de liquidités, ce qui peut éventuellement lui permettre d’être plus flexible dans sa politique de rémunération. 

Une start-up vit souvent dans une ambiance très intense. Tout le monde travaille beaucoup aux dépens parfois d’une organisation rationnelle du travail…

Attention! Une start-up n’est pas un chaos. Marc-Eric Jones (CEO d’Innovative Silicone) disait qu’une des qualités essentielles d’un entrepreneur devaient être de savoir se concentrer sur l’essentiel. Chez venturelab, on conseille à nos participants de rester focalisés sur leur valeur ajoutée. Ce n’est pas possible de mettre en place toutes les structures RH dès la première année. Les plans de formation ou de rémunération basée sur les «stock options» se mettent souvent en place plusieurs mois (voir années) après le démarrage de l’entreprise. Je dirais donc qu’il y a deux phases clés dans le démarrage d’une société. Durant la première, les entrepreneurs ont le nez dans le guidon et se concentrent sur leur objectif. Dans un deuxième temps, quand ils ont pu acquérir un peu de marge, l’organisation se met progressivement en place. 

Durant cette deuxième étape, quels sont les premiers services RH qui doivent être instaurés?

Ce sont très souvent les plans de compensation avec participation des employés au capital action, (stock-option, ...). Ensuite vient peut-être le «teambuilding». Cet accompagnement est très important et peu de sociétés ont le temps ou les moyens pour souder leurs équipes durant la phase de lancement. Mais c’est un élément essentiel de la réussite. Les plans de formation font également partie de ces processus de la deuxième étape. Et ils sont eux aussi incontournables. Car dans chaque société émergente, un des défis numéro un est de garder les collaborateurs qui se sont énormément investi durant les premières années. C’est d’ailleurs normal que ceux-ci aient envie de voir autre chose. Mais c’est primordial de les garder dans l’entreprise. Car on le sait bien, le recrutement d’un nouveau collaborateur coûte très cher. Et même plus cher dans les sociétés en démarrage. Sur un total de 5 ou 6 collaborateurs, une erreur de casting peut complètement plomber l’ambiance et même couler la société. 

On constate également que les tâches administratives sont souvent sous-traitées…

Je ne dispose pas de statistiques sur le sujet, mais j’aurais tendance à dire oui. Cela dépend aussi des moyens à disposition. En général, nous le conseillons car cela permet de rester concentré sur l’essentiel. 

Avez-vous des exemples montrant qu’une carence dans la gestion des ressources humaines a été fatale à l’entreprise?

Ce n’est jamais un problème d’organisation mais un problème d’équipe. Oui, il y a des start-up qui se sont plantées car elles avaient engagé la mauvaise personne. Tout comme certaines ont réussi car elles ont su s’entourer de gens capables. C’est fondamental. La politique RH, soit la gestion, les salaires, l’organisation, la formation et le recrutement, n’est que le moyen d’atteindre cet objectif: avoir une bonne équipe et réussir à mettre les gens en mouvement.

 

 

L'interviewé

Jordi Montserrat est le responsable Romandie de Venturelab. Il est ingénieur EPFL et dispose d'un Master en management technologique de la HEC Lausanne. 

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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